Fiches individuelles


VILBOEUF Jean
Naissance : 2 novembre 1762 à Sanvignes 71

Union : BOUTIN Anne ( 1774 - ? )
Mariage : 21 mai 1793 à Sanvignes 71
Fut témoin Claude CHAROLLOIS, 36ans, secrétaire greffier à la municipalité de Sanvignes, oncle de l'épouse.
Témoin : CHAROLLOIS Claude ( ~ 1757 - 1827 )
Note individuelle : Tonnelier au Fresne, fils des défunts Jean VILBOEUF et Françoise JUREDIEU.





VILETTE Eloy
Union : JORDERY Jacqueline ( 1735 - ? )
Mariage religieux : 12 février 1760 à Sanvignes 71
(Source : voir fichier Geneanet de Gilles Chavillard).




VILHARDIN de MARCELLANGE Louis Jean-Marie dit Mr de MARCELLANGE
Décès : 1 septembre 1840 à Saint-Etienne-Lardeyrol 43 mort assassiné au château de Chamblas

Union : LA ROCHENÉGLY (de ) Eugénie Théodora ( 1808 - 1840 )
Mariage : 1 juillet 1835

Note individuelle : D'une famille noble et ancienne du Bourbonnais, connue dès Hugues de MARCELLANGES, damoiseau, vivant en 1404, et dont les armes s'énoncent: d'or, au lion de sable, couronné, lampassé, et armé de gueules. Il n'eut pas de postérité, ayant eu deux enfants morts en bas âge, l'un le 14 juillet 1838, l'autre le 4novembre de la même année. (Source : Nobiliaire du Velay et de l'Ancien Diocèse du Puy, par Gaston de Jourda de Vaux, page 53).

L'AFFAIRE DE CHAMBLAS
Ce drame ténébreux a eu pour cadre le château de Chamblas, situé dans la commune de Saint-Etienne-Lardeyrol. Bâti à flancs de coteau, au milieu d'un assez vaste domaine, flanqué d'une haute tour dominant la forêt, ce manoir est encore tel qu'il était au début du siècle dernier, au moment où commença cette affaire.
Jadis possession d'une antique maison chevaleresque dont il portait le nom, le fief de Chamblas passa, en 1350, par alliance, de la dernière des CHAMBLAS à la famille de la ROCHENÉGLY qui le conserva pendant près de cinq siècles. Au moment du crime, les la ROCHENÉGLY venaient de tomber en quenouille.
Le comte de la ROCHENÉGLY, dernier du nom, Georges-François-Alexis, Chevalier de Saint-Louis et ancien Capitaine au Régiment de la Couronne, était décédé en 1836, à l'âge de 85 ans, laissant de son mariage avec Louise-Marguerite MICHON de VOUGY, une fille unique, Eugénie-Théodora, qui avait épousé, l'année précédente, le descendant d'une famille de robe du Bourbonnais, Louis-Joseph-Marie VILHARDIN de MARCELLANGE (Noblesse de robe du Bourbonnais, issue de Pierre VILHARDIN, seigneur de la Roche, de Belleau, lieutenant criminel en l'élection de Moulins (1699), marié à Antoinette RENAULT. Claude, leur fils, écuyer, greffier en chef alternatif au bureau des finances de Moulins, épousa le 3 août 1688 Suzanne GRIFFET, d'où: Jean-Jacques VILHARDIN de MONTIGNY, écuyer, seigneur de la Roche, Marcellange, etc., avocat en parlement, greffier en chef au bureau des finances de Moulins, allié le 7 mars 1724, à Gabrielle GRIFFET (nièce de la précédente). Cette famille se fixa au XIXème siècle, en Velay, avec Louis-Jean-Marie VILHARDIN de MARCELLANGE, marié le 1er juillet 1835 à Eugénie-Théodora de la ROCHENÉGLY, dernière du nom. Il mourut, assassiné au château de Chamblas, le 1er septembre 1840.).
Mlle de la ROCHENÉGLY n'avait pas été avantagée par la nature : de petite taille, elle avait ce que l'on appelle un visage ingrat. Certains prétendaient qu'elle était la caricature de sa mère qui était encore une fort belle femme, mais elle appartenait à la meilleure noblesse du Velay et à une famille fortunée. Il convient de dire ici qu'au moment de son mariage, ses parents, qui avaient plus de 20 ans de différence, vivaient séparés de fait, à la suite d'évènements que nous verrons plus loin : sa mère à Lyon, dans une maison de retraite, et son père, avec elle, en hiver au Puy, dans son hôtel de la rue de l'ancienne Préfecture, et en été dans sa propriété de Chamblas. Ce n'est qu'après la mort du Comte que sa veuve vint habiter avec ses enfants, pour le malheur des jeunes époux.
Mme de la ROCHENÉGLY ne tarda pas en effet à prendre un grand ascendant sur sa fille qu'elle n'avait cependant ni élevée, ni mariée, au point qu'après le décès prématuré de ses deux petits-enfants, en 1838, elle signifia à son gendre que la santé de sa femme exigeait que le ménage vive séparé.
Là-dessus vinrent se greffer des discussions d'intérêt dans le détail desquelles nous n'entreront pas : une demande en restitution de ses droits et reprises formées par la belle-mère, une demande en séparation de biens formée par la femme, l'une et l'autre rejetées comme injustifiées par le Tribunal Civil du Puy.
La jeune dame de MARCELLANGE, complètement subjuguée par sa mère, s'installa avec elle au Puy, alors que son mari restant à Chamblas, faisait valoir le domaine qu'avant sa mort, le Comte lui avait affermé dans des conditions très avantageuses.
Mais peu à peu la situation devint telle que M. de MARCELLANGE songea à quitter la Haute-Loire pour l'Allier où il avait, près de Moulins, une propriété personnelle, la terre des Brandons, et à se rapprocher ainsi de sa famille.
Au moment où le drame éclata, il était sur le départ et, usant de son droit de mari dotal, se disposait à louer le domaine et le château de Chamblas. Ce projet n'avait pas manqué d'aggraver la mésentente entre lui et les dames de la ROCHENÉGLY. Il allait, en effet, les priver de la jouissance de leur propriété dont M. de MARCELLANGE toucherait les revenus et qui serait habitée par un fermier. Ce dernier, un certain M. CROS, devait venir signer le bail à Chamblas le 2 septembre 1840, mais M. de MARCELLANGE devait être assassiné la veille.
Ce jour-là, vers huit heures et demie du soir, tous les domestiques de Chamblas prenaient leur repas dans la cuisine située au rez-de-chaussée du château. Comme d'habitude, le maître était assis au coin de la cheminée et causait familièrement avec eux des travaux de la saison, le dos tourné à la fenêtre donnant sur la cour. Tout à coup, les détonations d'une arme à feu se firent entendre, les carreaux volèrent en éclats et M. de MARCELLANGE tomba sur place, frappé d'une mort foudroyante, au milieu de ses gens atterrés. L'autopsie pratiquée le lendemain par les Docteurs BORIE et RICHOND des BRUS, devait révéler que les projectiles du fusil, deux chevrotines et une balle, lui avaient traversé le cœur et mis le poumon en bouillie.
Les premiers moments d'émotion et d'horreur passés, de vaines recherches furent entreprises dans la cour et dans les environs du château. Le lâche assassin avait eu le temps de disparaître dans les ténèbres. Rien n'avait d'ailleurs signalé son approche et, chose étrange, les chiens de Chamblas, gardiens vigilants à toute heure, mais surtout au commencement de la nuit, n'avaient pas aboyé. Les deux chiens de chasse qui dormaient au pied de leur maître, n'avaient pas bougé et lorsque les domestiques sortirent, ils constatèrent que le chien de garde qui aurait dû se trouver attaché dans la cour, avait disparu avec sa chaîne. Le jour suivant, il revint au château, mais il ne traînait pas sa chaîne, qu'une main criminelle avait détachée et conservée.
Ce tragique évènement causa dans toute la région une profonde et douloureuse surprise. De graves soupçons s'élevèrent dans tous les esprits. On se demandait avec effroi quel sentiment de haine ou de vengeance pouvait avoir armé le bras du coupable.
Cependant M. de MARCELLANGE, homme simple et bon, n'avait pas d'ennemi dans le pays où il était unanimement regretté. Une seule personne, un ancien fermier, ne partageait pas ces sentiments. Débiteur de quelques arrérages, il nourrissait contre M. de MARCELLANGE qui en poursuivait le paiement, une rancune injustifiée qu'il avouait hautement. Quand il apprit le crime, il s'écria qu'il était arrivé trop tard. Il attira ainsi l'attention de la Justice, mais un alibi indiscutable ne tarda pas à dissiper des soupçons déjà démentis par la grossière franchise de ses propos.
Les gendarmes procédèrent à des enquêtes très minutieuses. Leurs investigations et celles du Juge d'Instruction, M. EXBRAYAT de la BORIETTE, se portèrent vainement sur tous les individus que l'on avait vus, aux environs du château, dans les jours précédant l'assassinat.
Il fallait donc rechercher ailleurs l'auteur du crime exécuté avec autant d'audace que de préméditation. L'assassin était incontestablement un familier de la maison, puisque sa présence n'avait pas été trahie par les chiens. Il en connaissait les usages, il savait à quelle heure les domestiques prenaient leur repas du soir, à quelle place se tenait invariablement leur maître à côté du foyer et comment il était facile de l'atteindre en tirant de la cour un coup de feu par la fenêtre de la cuisine.
Les enquêteurs ne tardèrent pas à apprendre que le 1er septembre au coucher du soleil, un homme vêtu d'une blouse blanche, armé d'un fusil, avait été successivement aperçu par trois personnes, alors qu'il se dirigeait, à travers champs, du côté de Chamblas. Vingt minutes avant les coups de feu, on l'avait vu pénétrer dans les bois qui entouraient le château. La direction qu'il suivait semblait indiquer qu'il venait de la ville du Puy. La clameur publique qui avait rapidement accusé les dames de la ROCHENÉGLY d'avoir fomenté le crime, et ces indices, signalèrent aussitôt Jacques BESSON aux investigations de la police.
Agé de 32 ans, célibataire et depuis seize ans au service de la famille de CHAMBLAS, Jacques avait pris sur ses maîtres un ascendant qui, de simple petit gardeur de pourceaux, l'avait, du vivant du Comte, élevé au rang de gérant du domaine. Cependant il avait vainement cherché à étendre sur M. de MARCELLANGE l'influence qu'il exerçait sur son beau-père. C'est avec un vif dépit qu'il vit son nouveau maître prendre en main la direction de l'exploitation. Ce ressentiment se manifesta en paroles injurieuses et même en menaces, à tel point que finalement il fut congédié.
Mais chassé par le mari, il fut aussitôt recueilli par la femme et la belle-mère qui en firent leur homme de confiance, comme si sa conduite était un titre à leur bienveillance. Installé à l'hôtel de la Rochenégly, il y trouva une jeune femme de chambre, Marie BOUDON qui, elle aussi, partageait l'inimitié de ses maîtresses pour M. de MARCELLANGE, allant jusqu'à dire : "Monsieur est bien heureux d'avoir une femme comme celle-là. Si c'était moi, je me ferais justice moi-même".
Dans cette atmosphère de dissentiments familiaux, Jacques BESSON ne pouvait que se sentir encouragé dans sa haine contre son ancien maître et, ainsi que l'information l'établit, il ne se gênait pas pour extérioriser ses sentiments. Un jour, chez son frère Antoine qui lui demandait pourquoi il n'était pas resté avec M. de MARCELLANGE au château, il répondit : "Il faut que lui ou moi y passions". A un boulanger qui était surpris de lui voir acheter du bois pour ces dames, alors qu'il y en avait tant à Chamblas, il dit : "M. de Marcellange est le maître, c'est lui qui jouit du domaine, mais il ne vivra pas toujours." On lui avait également entendu dire dans un cabaret : "Si ce n'était la crainte de la justice M. de Marcellange y passerait bientôt". A la même époque, il avait déclaré : "M. de Marcellange fait bien son maître, mais nous le descendrons bien".
De son côté, M. de MARCELLANGE le redoutait comme un individu dangereux, comme son ennemi numéro un. Il ne s'en cachait pas et avait fait part de ses pressentiments à sa famille et à ses intimes. A quelqu'un qui lui demandait pourquoi il portait des armes, il répondit qu'il ne sortait jamais sans ses deux pistolets, à cause du "valet de ces dames". Quelques temps avant le crime, à la suite d'un repas chez sa femme, il fut pris de malaise et crut bien avoir été empoisonné.
L'instruction établit d'ailleurs que l'année précédant le crime, un jeune berger, André ARSAC, en service à Chamblas, avait été pressenti par Jacques BESSON pour mettre du poison, une poudre blanche, dans la soupe de son maître. Pour tenter sa cupidité, BESSON lui avait promis la forte somme de 600 francs. Devant le juge, ARSAC dénia bien ce fait avec opiniâtreté, mais il en avait parlé à plusieurs témoins dignes de foi. ARSAC avait aussi tenu des propos qui laissaient entendre qu'il était au courant du danger qui menaçait M. de MARCELLANGE, tels que : "Ah, si vous saviez ce que je sais, on me couperai le cou, je ne le dirai pas". "Si quelqu'un foutait un coup de fusil à M. de Marcellange, il aurait une belle étrenne".
Interrogé au cours de l'instruction, confronté avec les témoins qui rapportaient ces graves propos, ARSAC opposait toujours de vives dénégations aux déclarations les plus précises. A quelqu'un qui lui faisait observer qu'il pouvait se compromettre par cette attitude, il répondait qu'il lui était impossible de dire la vérité, parce qu'il craignait Jacques BESSON et ses huit frères. Après l'assassinat, il avait rapporté à sa tante et marraine, Marguerite MAURIN, la chaîne du chien de garde de Chamblas, mais il prétendait l'avoir trouvée dans les champs.
Quant à Jacques BESSON, il est certain qu'il avait eu la petite vérole, en août 1840, et que cette maladie l'avait retenu quelques temps au lit, mais il était en convalescence et on l'avait vu se promener dans les rues du Puy 4 à 5 jours avant le crime.
Le lendemain de l'assassinat, lorsqu'à sept heures du matin, un domestique du château, Louis ACHARD, porta au Puy à Mme de MARCELLANGE une lettre du maire de Saint-Etienne-Lardeyrol lui annonçant la mort tragique de son mari, il fut introduit dans la maison par la femme de chambre, Marie BOUDON. Malgré les mauvais sentiments bien connus de cette fille pour le défunt, on aurait pu croire que cette triste nouvelle absorberait en elle toute autre préoccupation.
Il n'en fut rien, elle s'empressa de parler de la maladie de BESSON. "Notre Jacques est bien malade, dit-elle au messager, il a eu la petite vérole, ne voulez-vous pas le voir ?" et elle conduisit ACHARD dans la chambre où BESSON était encore couché. Ce dernier, après une exclamation de surprise sur la mort de M. de MARCELLANGE, entretint le domestique de sa maladie, lui montrant ses pieds écorchés, lui disant qu'il ne pouvait marcher. Appelé comme témoin devant le Juge d'Instruction, il tint le même langage.
A qui voulait l'entendre d'ailleurs, il déclarait : "A quelque chose malheur est bon, si je n'avais pas été malade, on n'aurait pas manqué de m'accuser". L'instruction se poursuivant, il apprit que la dame Isabeau DELAIGUE, épouse TARIS, était un des témoins qui avait vu un homme armé d'un fusil dans les bois de Chamblas, le 1er septembre, peu avant les détonations. Il l'aborda sur la place du Martouret, au Puy, et tenta de la faire parler.
Tel était l'état de l'information : la haine vouée par Jacques BESSON à son ancien maître, les menaces et les scènes de violences rapportées par plusieurs témoins, l'odieux projet d'empoisonnement révélé malgré les réticences d'ARSAC terrorisé par les frères BESSON, les singulières préoccupations et les démarches de Jacques pour prévenir ou écarter les soupçons, tout concourait déjà à le signaler comme l'auteur ou tout au moins l'instigateur de l'assassinat, lorsqu'une révélation précise et circonstanciée vint établir sa présence dans les bois de Chamblas peu d'instants avant le crime et amener son arrestation le 19 novembre 1840.
L'un des trois témoins qui avaient vu un individu suspect se diriger à travers bois vers le château, Claude REYNAUD, finit par avouer au Magistrat instructeur qu'il avait bien reconnu en lui Jacques BESSON. Les deux autres témoins, sans être aussi affirmatifs, avaient été frappés par son attitude et par son visage et ses lèvres tuméfiés.
Claude REYNAUD qui expliqua n'avoir d'abord pas voulu dénoncer BESSON, par crainte de représailles, donna une précision très utile sur la tenue vestimentaire de celui-ci. Il déclara avoir bien remarqué qu'il portait un pantalon de velours à côtes de couleur olive, le même qu'il avait sur lui le jour de sa confrontation dans le cabinet du Juge d'Instruction. Or, ce pantalon disparut. Comment ? On l'ignore. Les gardiens de la Maison d'Arrêt du Puy ne purent l'expliquer. Interrogé sur l'existence et la possession de ce vêtement, BESSON répondit par une dénégation absolue : il prétendit n'en avoir jamais eu de semblable, malgré le témoignage de nombreuses personnes qui déclaraient le lui avoir vu porter à diverses époques.
Un système d'alibis, invoqué par Jacques BESSON, tendant à prouver sa présence au Puy au moment du crime, n'avait pas été formellement établi et se trouvait en tous cas contredit par les dépositions formelles de Claude REYNAUD et des autres témoins qui l'avaient vu ou avaient vu quelqu'un lui ressemblant sur le chemin de Chamblas, peu avant les coups de feu.
Enfin, derniers témoignages de la plus haute importance, des gens très honorables et dignes de foi, les époux PUGIN, habitant rue de l'Ancienne-Préfecture, au Puy, en face de l'hôtel de la Rochenégly, peu avant minuit, le 1er septembre, avaient entendu se renfermer dans le silence de la nuit la porte de cet hôtel.
Après une longue information qui dura 18 mois, sans amener les aveux de l'inculpé, ni établir de complicité, Jacques BESSON fut renvoyé par la Chambre des Mises en Accusation de la Cour d'Appel de Riom, devant la Cour d'Assises de la Haute-Loire, pour homicide volontaire, avec préméditation, sur la personne de M. de MARCELLANGE, et, subsidiairement, pour complicité de ce crime.
BESSON comparut donc au Puy, le 14 mars 1842, devant la Cour d'Assises qui siégeait alors en haute ville, dans l'ancienne chapelle du couvent de la Visitation. La session était présidée par M. le Conseiller SMITH assisté de MM. DUGONE et SOUCHON, Juges au Tribunal Civil.
Une énorme affluence avait envahi le prétoire. Tout le Puy et les environs se pressaient comme au spectacle, pour assister à ce que l'on croyait être l'épilogue d'une grande affaire criminelle, alors qu'il ne s'agissait que d'un lever de rideau qui devait se continuer sur deux autres scènes. L'accusation devait être soutenue par M. MARILHAT, Procureur du Roi. La famille de MARCELLANGE, partie civile, avait fait appel à un Avocat de talent, Me Théodore BAC, du Barreau de Limoges, qui fut député de la Haute-Vienne, spécialiste des grands procès criminels. Au banc de la défense se trouvaient deux Avocats du Puy, Me GUILLOT et Me MATHIEU.
Aussitôt après la lecture de l'acte d'accusation par le Greffier, le premier défenseur demanda à la Cour acte de ce qu'un mémoire, dont il déposa un exemplaire, intitulé "Premiers éclaircissements sur l'assassinat de M. Louis Villardin de Marcellange" et signé par Me GUILLEMAIN, Avocat à la Cour royale de Paris, ancien Avocat à la Cour de Cassation, avait été publié par la famille de la victime, avant l'ouverture des débats.
Satisfaction lui fut donnée et l'on passa à l'interrogatoire de BESSON. Son audition fut brève, car il conserva la même attitude qu'au cours de l'information.
A la question du Président : "Vous-même n'avez-vous pas eu plusieurs scènes violentes avec M. de Marcellange ?" il répondit : "Cela n'est arrivé qu'une fois."
D - N'avez-vous pas fait des menaces à M. de MARCELLANGE à propos d'un fusil qu'il voulait vous empêcher d'emporter ?
R - Je ne l'ai jamais menacé.
D - Qu'avez-vous fait le 1er septembre 1840 ?
R - Étant convalescent, je ne me suis levé qu'à 9 heures et j'ai été prendre l'air dans la ville où j'ai rencontré la femme MARTEL. Je suis rentré à 7 heures et je me suis couché à 8.
D - Un témoin déclare cependant vous avoir vu à cette heure à 3 lieues du Puy ; il prétend que vous portiez un pantalon de velours olive.
R - Cela est faux : le pantalon que je portais le 1er septembre était bleu foncé, je n'en ai jamais eu en velours, ni de couleur olive".
Le lendemain on commença, par la famille de MARCELLANGE, l'audition des témoins à charge qui était au nombre de 91.
Le 4e jour, ce fut au tour du berger André ARSAC de témoigner. Il nia tout avec opiniâtreté. Confronté tour à tour avec sa tante, Marguerite MAURIN, et avec HOSTEIN, qui racontèrent dans quelles circonstances il leur avait confié qu'on lui avait proposé une forte somme pour empoisonner M. de MARCELLANGE ; avec son oncle Pierre MAURIN et un Brigadier de Gendarmerie à qui il avait dit qu'il savait une chose relative à l'assassinat de M. de MARCELLANGE, qu'il ne pouvait pas dire ; avec Jacques SOULON à qui il avait avoué qu'il avait peur de BESSON et de ses frères ; avec OUILLON à qui il avait déclaré que si quelqu'un tirait un coup de fusil à M. de MARCELLANGE, il aurait une bonne récompense ; avec un autre Brigadier de Gendarmerie à qui il avait dit qu'il dirait tout à la Justice si on lui donnait une bonne place ; il ne se départit pas de son système de dénégations absolues.
Devant ces contradictions flagrantes, les exhortations du Président ne produisant aucun effet sur ce témoin obstiné, il fut mis en état d'arrestation et l'un des assesseurs, M. DUGONE fut désigné pour instruire cette affaire de faux témoignage.
Me GUILLOT sentant que la défense était en train de perdre la partie, sollicita le renvoi du procès BESSON, ce qui lui fut accordé, au grand désappointement du public, après une longue délibération de la Cour.
C'est à la session suivante des Assises de la Haute-Loire que les débats de l'affaire de l'assassinat de M. de MARCELLANGE devaient recommencer.
Le Garde des Sceaux à qui appartenait alors la désignation des Présidents de Cour d'Assises, avait choisi M. TRUCHARD du MOLIN, alors conseiller à la Cour d'Appel de Riom, qui devait terminer sa carrière à la Cour de Cassation, pour diriger cette difficile session.
Ce magistrat, après une minutieuse étude du volumineux dossier, écrivit officieusement à son ami M. MEILHEURAT, Directeur des Affaires Criminelles au Ministère de la Justice, une lettre dans laquelle il lui faisait part de ses difficultés et de ses scrupules.
De son écriture fine et régulière, sur trois grandes pages, il y expose la situation créée tant par l'attitude d'ARSAC que par celle de Mme de MARCELLANGE :
"Mon cher et ancien collègue,
La lourde et difficile affaire Marcellange m'est échue. Elle doit venir des premières aux Assises de la Haute-Loire dont vous avez bien voulu me confier la Présidence, et qui s'ouvrent le 6 juin. Un incident de faux témoignage, né à la dernière session, en fit ordonner le renvoi.
Ce faux témoignage a été instruit dans l'intervalle ; la Chambre d'Accusation vient de statuer. Le témoin Arsac sera jugé le jour même de l'ouverture des Assises et le lendemain commenceront les débats de l'affaire Besson ; c'est le nom de l'accusé.
Cette situation n'est pas nouvelle dans l'administration de la Justice criminelle et rien ne s'oppose en effet à ce que le jugement de l'affaire principale suive immédiatement le jugement de l'affaire en faux témoignage. Seulement, si le premier Jury ne retient pas Arsac comme faux témoin, les charges qui se rapportent à sa déposition, seront fort affaiblies dans la seconde affaire, et d'un autre côté, s'il est condamné, je ne pourrai plus l'entendre qu'en vertu du pouvoir discrétionnaire ...".
Après avoir exposé qu'à son avis, ARSAC était complice de BESSON et que le faux témoignage n'est en quelque sorte qu'un moyen de défense, il poursuit :
"Mais voici bien d'autres embarras :
Quoique les femmes de Chamblas fûssent, pour ainsi dire, des témoins nécessaires, elles n'avaient jamais été entendues dans le cours de l'information ; sans doute par ce motif que d'un moment à l'autre des indices de complicité pouvaient surgir contre elles.
Le nouveau Juge d'Instruction, chargé de suivre la procédure en faux témoignage, n'a pas voulu se renfermer dans cette réserve, et Mme de Marcellange a fait devant lui une déposition peu importante à l'égard d'Arsac, du moins peu décisive, mais d'une haute gravité en ce qui concerne Besson.
Elle a déclaré : 1° que cet homme n'est pas sorti de chez elle dans la soirée et dans la nuit du 1er septembre, d'où la conséquence qu'il n'était pas l'auteur de l'assassinat de M. de Marcellange ; 2° que, dans cette conviction et bien qu'accusé par la Justice, elle ne s'était faite aucun scrupule de lui envoyer en prison, depuis le premier jour jusqu'à ce moment même, lit, vêtements et nourriture ...
Cette déposition de Mme de Marcellange, sorte de défi jeté soit au Ministère Public, soit aux parties civiles, ne me permettait pas d'engager hors de sa présence, les débats dans l'affaire Besson : la défense l'aurait appelée sans doute pour fortifier l'alibi de l'accusé. J'ai pris l'avis de M. le Procureur Général et il a enjoint au Procureur du Roi de la comprendre et sa femme de chambre dans la liste des témoins de l'accusation.
Cela devait être, car depuis cette étrange déposition, ce procès est évidemment renfermé dans une de ces trois alternatives ou le faux témoignage de Mme de Marcellange, ou sa complicité, ou l'innocence de Besson.
Déjà la clameur publique poursuivait les dames de Chamblas et ne faisait de Besson que leur instrument.
Déjà l'accusation contre Besson était conduite par la force des choses à aller chercher dans les dissensions domestiques de la famille de Chamblas, la cause, l'intérêt du crime.
Déjà chacun de ses arguments dépassait Besson pour aller atteindre Mme de Marcellange.
C'est elle que visent tous les efforts de la partie civile ; c'est sur elle que s'assombrit l'affreux mystère de ce drame, et le Jury, travaillé par le sentiment de l'Égalité si vif dans les classes moyennes, indigné de n'avoir à juger qu'un valet lorsque tant d'autres signalent les dames comme complices, pourrait être amené à douter de l'impartialité et par suite à acquitter Besson, quoique convaincu de sa culpabilité ...".
M. TRUCHARD du MOLIN avait également préparé le projet de résumé de l'affaire que faisaient alors, et jusqu'en 1881, les Présidents des Assises, à la fin des débats, et il y écrivait notamment, au sujet de l'étrange attitude de Mme de Marcellange :
"Vous examinerez, Messieurs, si la constante protection dont la veuve de la victime couvre Besson depuis le premier acte de la procédure jusqu'à cette audience, protection hautement avouée, le justifie ou l'accuse".
Ce résumé se terminait ainsi : "Il serait désespérant pour la Justice, déplorable pour la Société qu'un tel crime restât impuni. Mais le coupable, l'avez-vous sur ce banc ? En est-il le seul et principal auteur ? En est-il au moins le complice ? Questions redoutables qui s'adressent à vos consciences plus encore qu'à la nôtre et qui pour vous, comme pour nous, engagent tout ce que l'homme jugeant son semblable a de raison dans l'esprit et de fermeté dans le cœur. Nulle œuvre ici-bas n'est plus difficile, ni plus haute ; nulle n'entraîne une responsabilité aussi grande. Juger, proclamer l'innocence ou frapper le coupable, c'est le droit, c'est le devoir de citoyens intelligents, probes et libres que la loi du pays réunit en Cour de Justice. Ce devoir, vous l'exercerez sans prévention, comme sans faiblesse".
Ces justes propos, M. TRUCHARD du MOLIN ne devait pas les tenir aux Jurés de la Haute-Loire, car Jacques BESSON ne comparut pas à nouveau devant eux.
La veille même du jour où l'affaire BESSON devait revenir devant la Cour d'Assises du Puy, le 5 juin 1842, faisant droit fort sagement à une requête de l'accusé, la Cour de Cassation renvoya, pour cause de suspicion légitime, l'accusé devant la Cour d'Assises du Puy-de-Dôme.
Il était en effet notoire que ce crime avait produit une si vive émotion que dès le début de l'instruction, l'opinion publique, ainsi que l'avait compris M. TRUCHARD du MOLIN, s'était passionnée pour cette affaire.
Deux partis s'étaient même constitués au Puy, celui de la haute-ville, composé de la noblesse, qui avait pris fait et cause pour les dames de Chamblas, et par voie de conséquence pour Jacques BESSON, et celui de la basse-ville, composé du peuple et de la bourgeoisie, convaincu de la culpabilité de la famille de la ROCHENÉGLY et qui s'étonnait que ces dames ne soient pas inquiétées dans cette affaire.
Au cours de l'instruction et à la veille même des débats, des mémoires très copieux furent d'ailleurs publiés tant par la partie civile que par les défenseurs.
Les passions étaient telles au Puy que, sortant de la réserve à laquelle nous sommes habitués de la part d'un Juge d'Instruction, M. EXBRAYAT de La BORIETTE crut devoir publier une curieuse note, dont j'ai pu retrouver un exemplaire, en date du 1er novembre 1840, deux mois après le crime, où il défendait son indépendance :
"Il a été répandu, écrivait-il, dans les salons et dans les cercles de la ville du Puy, devenus confidents des opérations de la Justice répressive, que je renonçais à informer contre les assassins de M. de Marcellange. C'est un mensonge impudent ... Que l'on aime le bruit, que l'on en fasse beaucoup et même dans la rue, c'est la chose pour laquelle je suis d'une indifférence complète, mais j'ai grandement à cœur que mes compatriotes sachent que l'âge me laisse encore une énergie et un courage suffisants, que, dans la circonstance importante, j'ai la volonté et la force de remplir mes devoirs, avec le zèle, l'attention et la prudence qu'exigent les fonctions dont je me suis chargé".
C'est donc à Riom, que, le 22 août 1842, Jacques BESSON comparut pour la deuxième fois devant le Jury, à la fin d'une session particulièrement lourde, puisque neuf affaires y avaient déjà été jugées, sous la présidence de M. le Conseiller MANDOSSE de NEVRÈZE. Cette fois, au banc de la défense, le jeune Avocat riomois qui devait avoir une si haute fortune politique sous l'Empire, Me Eugène ROUHER, avait pris place à côté de Me GUILLOT. Me BAC assistait toujours la partie civile. Le siège du Ministère Public était occupé par M. l'Avocat Général MOULIN. 109 témoins avaient été cités par le Parquet, 29 par la partie civile et 12 par la défense.
A un nombreux public riomois s'était jointe une foule passionnée par cette affaire, venue du Puy et des environs ou accourue de Clermont. L'affluence devint de plus en plus grande au fur et à mesure que se déroulaient les débats. Elle égala bientôt celle de Tulle au moment du procès de Mme LAFARGE. Elle dépassa celle attirée à Riom, à la précédente session, lorsqu'avait été jugé le procès de la Gazette d'Auvergne.
Dès le 3e jour d'audience, galamment, le Président donna l'ordre de ne laisser entrer que les dames dans l'enceinte réservée au public. Quelques hommes s'introduisirent aussi et les soldats du 105e de Ligne qui assuraient le service d'ordre, durent croiser les baïonnettes pour endiguer le flot des curieux assiégeant le Palais.
Cette longue session avait été fort pénible pour les Magistrats, les Jurés et aussi pour les Huissiers audienciers. Le second jour du procès de BESSON, l'un de ces derniers s'absenta sans autorisation pendant l'audition des témoins. Et comme sous la monarchie constitutionnelle, on ne badinait pas avec la discipline, le lendemain la Cour lui infligea deux mois de suspension et quinze jours de la même peine à son collègue qui n'était pas allé le chercher la veille selon les instructions du Président. Le procès de BESSON commença, comme d'usage, par la lecture de l'acte d'accusation. Le rédacteur de "La Presse judiciaire, journal du ressort de la Cour royale de Riom" qui suivait les débats, avec ses confrères de "La Gazette des Tribunaux" et des journaux "Le Droit" et "Le Courrier du Centre", commença ainsi son compte rendu en se plaignant de la mauvaise acoustique de la salle d'audience : "Le tableau triste et grave que présente un acte d'accusation très habilement écrit, ne produit émotion, parce que la voix de M. le Greffier se perd dans la vaste salle construite de manière à ne renvoyer aucun des sons de la voix".
Suivit l'interrogatoire de Jacques BESSON qui répondit avec calme ne s'être jamais immiscé dans les discussions de M. de MARCELLANGE avec sa femme et sa belle-mère, n'avoir lui-même eu avec son maître qu'une seule altercation très légère, que le jour de la mort de M. de MARCELLANGE, il était couché, qu'ainsi il n'était pas l'auteur de l'assassinat.
Puis ce fut le long défilé des témoins : les domestiques du château qui avaient assisté au drame, les individus qui avaient eu connaissance des menaces et des propos de Jacques BESSON contre M. de MARCELLANGE, les personnes à qui celui-ci avait fait part de ses craintes et de ses pressentiments, celles qui avaient vu porter par l'accusé le fameux pantalon de velours olive.
On entendit aussi, et encore à titre des témoins, ARSAC qui s'était pourvu en cassation contre l'arrêt de la Cour d'Assises de la Haute-Loire venant de le condamner, le 10 août, pour faux témoignage, au maximum de la peine, dix ans de réclusion, et à l'exposition publique, malgré une habile plaidoirie de Me GUILLOT, l'un des défenseurs de BESSON. Le berger maintint, avec le plus grand entêtement, toutes ses dénégations.
On entendit Claude REYNAUD dont le témoignage formel dut faire sur le Jury une énorme impression, tout comme celui de PUGIN qui assura avoir bien reconnu le bruit de la porte de l'hôtel de la Rochenégly se refermer la nuit du crime.
Le moment le plus pathétique fut celui des dépositions impatiemment attendues des dames de Chamblas, tant en raison des accusations dont elles faisaient l'objet de la part d'une certaine faction, que de leur attitude à l'égard de l'homme poursuivi pour avoir tué leur époux et leur gendre.
Les chroniqueurs de l'époque ont noté que la Comtesse de la ROCHENÉGLY, qui avait alors 58 ans, était vêtue avec une élégante simplicité d'une robe de soie à palatine, de couleur vigogne, coiffée d'une capote en soie bleu barbot. On lui trouva un air hautain et résolu. Sa fille, voilée de crêpe et tout de noir vêtue, parut d'abord émue, mais bientôt dans ses réponses le dédain prit le pas sur tout autre sentiment.
Ni l'une ni l'autre ne savaient rien des circonstances du crime, elles ignoraient si M. de MARCELLANGE avait des ennemis, s'il s'était plaint un jour d'une tentative d'empoisonnement. Quant à BESSON, elles n'avaient jamais assisté à une discussion entre lui et son maître. Le jour du crime, il s'était couché de bonne heure.
Mme de MARCELLANGE nia formellement, même lors de ses confrontations avec les témoins, avoir tenu contre son époux les propos rapportés par eux, notamment avoir dit à un certain OBRIER, un jour de battage au fléau : "Je voudrais voir mon mari battu comme ça" et à une certaine Anne-Marie MAURIN, un jour que M. de MARCELLANGE était en voyage et tardait à revenir : "Je voudrais que mon mari, la voiture et les chevaux dégringolassent au fond d'un précipice".
Elle fut bien obligée de convenir que depuis l'arrestation de Jacques BESSON, elle lui avait envoyé à la prison un matelas et lui faisait parvenir un repas par jour.
Par contre, si elle reconnut avoir fait servir à boire et à manger à ARSAC, venu lui demander grâce pour un délit forestier, elle nia l'avoir incité à taire ce qu'il savait. De même elle nia s'être promenée, après la mort de son mari, dans les bois de Chamblas, comme l'avait rapporté une femme CHAMARD, au bras de Jacques BESSON et aussi avoir dit : "Ah, mon château, comme on a mis mon pauvre château. Qu'il n'est mort plus tôt, ce cochon de Marcellange".
Aux dames de la ROCHENÉGLY, succédèrent à la barre les témoins de la défense : le Docteur URBE qui avait soigné BESSON, maintes personnes qui avaient eu connaissance de sa maladie et aussi celles qui l'avaient vu au Puy le soir du crime.
Un incident survint au moment de l'audition d'un aubergiste de Brives près Le Puy, Jacques BERNARD, qui déclara qu'un an après l'assassinat, le principal témoin à charge, Claude REYNAUD, lui avait conseillé, dans son intérêt, de déposer contre BESSON et avait essayé d'obtenir le même témoignage d'un nommé MASSON. REYNAUD, rappelé à la barre, protesta avec véhémence contre cette accusation.
Le Président fit observer à BERNARD que c'était la première fois qu'il faisait ces révélations et ne manqua pas de lui donner lecture des articles du Code pénal punissant le faux témoignage. BERNARD soutint cyniquement qu'il avait rapporté le fait à l'Instruction, mais que le Juge n'avait pas voulu le mentionner au procès-verbal, à la grande indignation, dit-il, de l'écrivain "dont les cheveux se dressaient sur la tête devant l'obstination de son patron".
REYNAUD déclara qu'un des frères de Jacques BESSON avait dit à OBRIER et à TOUZET qu'on trouverait bien des témoins pour détruire son propre témoignage. Entendus à leur tour, TOUZET et OBRIER confirmèrent ses dires.
L'Huissier PERRIN signala alors que l'avant-veille, BERNARD avait quitté la salle des témoins en compagnie précisément d'un des frères de l'accusé et qu'on avait été obligé d'aller le chercher et de le ramener presque de force. Malgré les exhortations du Président, BERNARD continua à nier, même ce dernier fait. Il fut mis en état d'arrestation, comme l'avait été ARSAC au Puy.
Me ROUHER s'emparant de cet incident et prétextant aussi que le 6e juré avait manifesté son opinion en applaudissant, demanda le renvoi de l'affaire. Mais le Juré ayant exprimé qu'il n'avait pas entendu manifester, mais simplement faire un mouvement pour changer de position, la Cour délibéra et rendit un arrêt ordonnant qu'il serait passé outre aux débats.
L'absence de Marie BOUDON, témoin important pour la défense, comme pour l'accusation, provoqua une vive surprise. Me BAC demanda alors que les dames de Chamblas soient rappelées à la barre pour expliquer la disparition de leur femme de chambre. Mme de MARCELLANGE répondit froidement qu'elle avait quitté son service et était restée à Aix en Savoie au cours d'un voyage où elle avait accompagné ses maîtresses.
Me BAC voulait en savoir davantage : "Madame, pouvez-vous nous dire quel sentiment vous a porté à renvoyer votre fille de chambre ?"
C'est la Comtesse qui répliqua : "Monsieur, est-ce par sentiment qu'on renvoie des domestiques", puis qui, pressée de questions, précisa que Marie BOUDON ayant perdu sa mère, malade de chagrin, était restée en Savoie "pour y chercher le repos de l'esprit".
Devant le sang-froid de l'adversaire qu'il avait devant lui, Me BAC demanda finalement à la Comtesse : "Il est une question que je n'ai pas osé faire à une mère, mon devoir est pénible encore, mais je le ferai : "Madame, lorsqu'un de vos petits-enfants est mort, votre fille n'a-t-elle pas dit : "Autant vaut qu'il soit mort, il aurait été si mal élevé". N'avez-vous pas répété ce propos à un abbé ?"
Mme de la ROCHENÉGLY : "Je ne connais point cet abbé".
Me BAC : "Ma tâche est encore plus douloureuse, Madame, ne sait-elle pas que son gendre pensait que sa femme avait empoisonné ses enfants ?"
Mme de la ROCHENÉGLY : "Monsieur, on ne répond pas à cela !"
Puis, impassible, elle se retira sans saluer la Cour, foudroyant du regard l'Avocat de la partie civile, à qui, l'audition des témoins étant enfin terminée, la parole fut donnée. Mais Me BAC y renonça, se réservant de répliquer s'il y avait lieu.
M. l'Avocat Général MOULIN se leva et commença alors son réquisitoire. Fatigué par les longues audiences de l'affaire de Jacques BESSON clôturant une très lourde session, il fut bientôt pris d'une syncope et les débats durent être renvoyés au lendemain.
Au milieu de la foule qui se retirait, quelques montagnards superstitieux, frappés par le malaise de "l'homme rouge" chargé d'accuser Jacques BESSON, échangèrent en patois leurs impressions sur ce qu'ils croyaient être un ensorcellement.
Le lendemain, 26 août, bien que mal remis de sa fatigue, M. MOULIN fit, assis, un réquisitoire extrêmement complet où, après avoir examiné les faits, il analysa très minutieusement les preuves morales, puis les preuves matérielles accumulées contre l'accusé.
Parlant des mobiles du crime, il dit très justement : "Il faut en revenir aux causes anciennes, profondes, certaines, qui ont produit l'assassinat ; les sentiments générateurs du crime, ils ne résidaient que dans la maison de Chamblas. Si la belle-mère ne se fût réunie au gendre, si des discussions d'intérêt ne s'en fussent élevées entre eux, si les domestiques de la maison ne se fûssent point mêlés, si les procès n'eûssent augmenté la discorde, il n'y aurait pas eu de crime".
Quant à l'exécuteur, avec ou sans complices, qui ne peut être que BESSON : "Il avait ses griefs à lui, s'écria l'Avocat Général, et les griefs de la maison de Chamblas ; il a été le serviteur de la haine des autres et l'instrument de sa vengeance personnelle".
Et le réquisitoire se termina sur cette péroraison : "En remontant à l'origine du crime, en groupant les moyens de l'accusation, en réunissant les antécédents de la cause, les pressentiments de la victime, les terreurs de sa famille et l'opinion du pays, nous n'avons plus hésité ; oui, nous nous sommes demandés s'il pouvait exister l'ombre d'un doute.
MM. les Jurés, dans une affaire où l'ombre surgit, nous nous réjouissons de voir briller la lumière de l'évidence. Le coupable est devant vous : l'homme qui haïssait M. de Marcellange, l'homme qui voulait être à sa place, c'est le coupable. L'homme qui avait ses haines, qui sait exalter les haines d'autrui, qui est allé sur les lieux le jour où il fallait tuer, il est là, il est là sous le poids de nos preuves morales et matérielles.
Messieurs, un grand forfait a été commis, un grand coupable, nous ne disons pas le seul coupable, est devant vous. Au nom de la Société, nous appelons toutes les sévérités de votre Justice, sur la tête de l'accusé Besson".
Puis ce fut au tour de la défense de faire entendre sa voix. Dès le début de sa plaidoirie, l'éminent défenseur brandit le spectre de l'erreur judiciaire.
"Il y a quelque chose de grandiose, dit-il éloquemment, à voir la Justice fonctionner dans son temple. Oui, cela est beau, mais il ne faut pas oublier que cela repose sur le sol, et que sur le sol s'agitent des passions qui peuvent conduire à une erreur irréparable".
Il chercha à faire apparaître la victime du drame comme un homme avare et intéressé, voulant payer ses dettes avec les revenus de la fortune de sa femme. Il discuta énergiquement le faisceau des preuves invoquées par le Ministère Public. Enfin, il insista sur l'alibi de BESSON. "Vous ne pouvez condamner, dit-il, sans qu'auparavant l'accusation ait fait condamner les huit témoins qui prouvent cet alibi jusqu'à l'évidence" et il termina en réclamant l'acquittement de son client.
C'est alors que, sortant de sa réserve, au nom de la partie civile, Me BAC, tantôt avec une sombre poésie, tantôt avec un acharnement passionné, brossa magistralement le portrait de la victime, des Dames de Chamblas, de leur femme de chambre et enfin de Jacques BESSON.
Et il termina son discours qui fut un second réquisitoire, en ces termes : "Pour nous, peut-être nous sommes-nous fait illusion, associés à la douleur de cette famille pieuse qui poursuit avec énergie les vœux d'un frère assassiné ; peut-être avons-nous partagé ses passions, mais nous ne le croyons pas. Nous avons la conscience d'avoir, comme elle, accompli un devoir sacré.
Notre œuvre est sans doute achevée, mais le moment approche ; l'heure de la Justice est lente à venir, mais elle vient. C'est en vain que de hautes positions s'assurent la sécurité dont elles jouissent.
Quand la vengeance de Dieu jetait sur la terre les grandes eaux du déluge, la montagne orgueilleuse se réjouissait, pensant que la vallée seule serait inondée. Cependant le flot monte, monte toujours, et déjà la colline sent baigner ses flancs ; il monte, il monte et la montagne se réjouit encore, que déjà un premier flot vengeur a lavé son flanc superbe.
Ainsi la famille de Marcellange voit le moment où elle atteindra le sommet de sa tâche.
Depuis deux ans, elle voit sans cesse passer dans ses rêves le spectre de Louis de Marcellange criant encore : "Si je meurs assassiné, vengez-moi !". Ce spectre paraîtra toujours, jusqu'à ce que la vengeance soit complète ; et ces deux blessures sanglantes qu'il porte à son côté, ne se fermeront que lorsque sur sa tombe se sera faite une triple expiation.
Oui, pour que le vœu de notre frère soit accompli, pour que son spectre s'éloigne enfin, nous inscrirons, il le faut, trois noms sur son tombeau : hier Arsac, aujourd'hui Besson, demain, vous, Mesdames de Chamblas".
Cette saisissante éloquence avait frappé tous les esprits et Me ROUHER s'en rendit bien compte.
La défense ayant la parole la dernière, il tenta un nouvel effort et répliqua en une improvisation nuancée, plaidant subsidiairement les circonstances atténuantes à demi-mot.
"Si la cause était telle que la partie civile l'a faite, dit-il, il ne faudrait pas que Jacques Besson marchât à l'échafaud, car si pour me servir de l'une des figures poétiques de mon adversaire, la montagne n'a pas encore subi l'orage, vous ne frapperiez que la colline. S'il y a d'autres coupables, si des femmes au cœur empoisonné par la haine ont préparé le crime ; s'il y a eu, comme on le disait, une corruption incessante, des séductions journalières, si Madame Théodora a sacrifié à Besson jusqu'aux grâces qu'elle n'avait pas, je dirais : "Vous n'avez sous les yeux qu'un malheureux fanatique" ... C'est de complot que l'on vous parle et un seul homme est accusé. N'est-ce pas avouer l'innocence de Besson que de ne pas faire d'arrestations nouvelles ? ... Oui, qu'on nous renvoie et qu'on juge tout ... La Comtesse et la femme de chambre, le riche et le pauvre, s'ils sont coupables, qu'ils soient égaux, c'est la loi, c'est le droit ...".
BESSON ayant une dernière fois proclamé son innocence, le Jury se retira, et après 25 minutes de délibérations, rapporta un verdict de culpabilité, sans circonstances atténuantes.
Puis la Cour délibéra à son tour et le Président "d'une voix profondément émue et au milieu d'un religieux silence, écrivit le chroniqueur judiciaire de l'époque, prononça un arrêt qui condamnait Jacques Besson à la peine de mort".
"L'ancien domestique de Chamblas laisse tomber sa tête dans ses mains, ajouta-t-il. On veut le ramener en prison, mais ses jambes fléchissent. Les gendarmes sont obligés de lui prêter le secours de leurs bras". A la maison d'arrêt, le geôlier, pour se conformer au règlement, dut le mettre aux fers et, pour cela, lui faire quitter les bottes dont il était chaussé. Le Curé du Marthuret, M. Pierre CHABRIER, enfant de la Haute-Loire, qui était venu apporter des consolations à son compatriote, lui fit don de ses propres souliers.
BESSON ne manqua pas de se pourvoir en cassation contre la décision qui le condamnait à la peine capitale.
Le 30 septembre 1842, la Cour de Cassation cassait l'arrêt des Assises du Puy-de-Dôme, motif pris qu'à l'audience, il avait été donné lecture, sans que le Président ait indiqué qu'elle était faite en vertu de son pouvoir discrétionnaire, d'une lettre du Préfet de l'Allier, le Baron MÉCHIN, que la session du Conseil général avait empêché de venir témoigner à Riom. Dans cette lettre il rapportait que Mme de TARADE, sœur de M. de MARCELLANGE, lui avait fait part de ses craintes pour la vie de son frère et lui avait demandé s'il ne pourrait pas le faire protéger.
La Cour suprême renvoyait en conséquence l'affaire pour être à nouveau jugée devant la Cour d'Assises du Rhône.
C'est donc à Lyon que pour la 3ème fois, BESSON comparut devant le Jury.
Les nouveaux débats s'ouvrirent le 19 décembre 1842, sous la présidence de M. le Conseiller JOSSERAND. Le Procureur Général, en personne, M. FEUILHADE de CHAUVIN, occupait le siège du Ministère Public, assisté de son Substitut, M. DEMIAU-CROUZILHAC. La Cour siégeait alors à l'Hôtel de Ville, en attendant l'inauguration du nouveau Palais de Justice.
L'opinion publique était de plus en plus passionnée pour cette affaire qui avait déjà fait couler beaucoup d'encre et dont la presse parisienne s'était emparée.
Quelques jours avant le procès, un mémoire signé L. ancien Magistrat, et intitulé "Quelques observations sur l'affaire Marcellange et en particulier sur les principales dépositions", fut diffusé par la défense. Œuvre d'un ami de la famille de la ROCHENÉGLY, ce factum faisait une critique très serrée des témoignages et des charges recueillis contre BESSON et exaltait les vertus des dames de Chamblas.
A l'ouverture des débats, la salle était pleine à craquer. Derrière la Cour avaient pris place toutes les autorités de la ville, le Préfet, le Secrétaire Général, le Maire et ses Adjoints, les Généraux commandant le Département et la Division, le Payeur Général du Rhône, attirés non seulement par l'importance de l'affaire, mais aussi par le tournoi d'éloquence que promettait la présence à la barre d'Avocats de renom.
Infatigable, Me BAC était une fois de plus aux côtés de la partie civile, mais Me ROUHER s'était récusé. Un rapport du Procureur Général de Riom nous en révèle probablement la cause : à la fin des débats devant la Cour d'Assises du Puy-de-Dôme, BESSON s'était penché vers son défenseur et lui avait demandé s'il devait avouer la possession du pantalon de velours olive disparu de la prison. Cette révélation tardive avait bouleversé Me ROUHER qui, à la fin de sa plaidoirie, avait laissé apparaître un certain découragement.
BESSON avait cette fois-ci à ses côtés Me LACHAUD, jeune avocat de 24 ans, du Barreau de Limoges qui, tout récemment, venait de conquérir une rapide célébrité aux côtés du Bâtonnier parisien Me PAILLET et de Me BAC lui-même, dans la défense de Mme LAFARGE.
Le début de l'audience, le 19 décembre, fut marqué par une grande déception pour le nombreux public. Ni Mme de MARCELLANGE, ni Mme de la ROCHENÉGLY, ni Marie BOUD ne répondirent à l'appel de leur nom. Mystérieusement disparues, il avait été impossible de les joindre.
Me LACHAUD essaya de se prévaloir de l'absence de ces témoins, à son sens indispensables, pour solliciter le renvoi de l'affaire à une autre session. Mais la Cour rejeta ses conclusions et condamna chacun des témoins défaillants à cent francs d'amende.
Commença alors, comme à Riom, l'interminable défilé des témoins, toujours fertile en incidents.
Dès le second jour, se produisit un véritable coup de théâtre, au moment de l'audition de Marguerite MAURIN. La tante et marraine du berger ARSAC, compléta ses précédentes déclarations, révélant tout ce qu'elle savait, sur les conseils, dit-elle, de son confesseur à qui elle s'était confiée lors du dernier jubilé.
Elle rapporta en ces termes ce que son neveu lui avait avoué : "Jacques Besson, en allant tuer M. de Marcellange a été trouver Arsac à son parc, qui était sur son chemin ; il lui a pointé son fusil sur la poitrine en le menaçant de le tuer s'il ne voulait pas venir avec lui tenir le chien. Arsac a été forcé de marcher et il a marché. Arrivé à Chamblas, Arsac a tenu le chien qui le connaissait. Besson voulait qu'il tirât le coup. Arsac a répondu qu'il ne savait pas ajuster ... Besson a fait feu".
Ces déclarations accablantes pour l'accusé firent sensation et BESSON lui-même, laissant son impassibilité coutumière, manifesta un certain émoi.
Sur interpellation du Président, Marguerite MAURIN précisa que son neveu lui avait fait cette confidence, lorsqu'elle avait trouvé des balles dans la poche d'un pantalon qu'il lui avait donné à raccommoder. Quant à la chaîne du chien de garde des Chamblas, elle figurait déjà parmi les pièces à conviction, ARSAC, qui prétendait l'avoir trouvée dans les champs, l'avait apportée à sa tante.
Confronté aussitôt avec celle-ci, ARSAC, qui ne s'attendait pas à ces nouvelles révélations, ne perdit cependant pas son sang-froid et lui opposa les plus formelles dénégations, tenait tête également aux questions du Ministère public et aux attaques de l'Avocat de la partie civile.
Le second individu arrêté pour faux témoignage, Jacques BERNARD, qui, entre temps, après rétractation, avait été condamné par la Cour d'Assises du Puy-de-Dôme, à deux années d'emprisonnement, par contre, refit l'aveu de son parjure et reconnut avoir été soudoyé par un des frères de Jacques BESSON.
Un troisième faux témoignage dans cette affaire, cette fois contre l'accusé, fut ébauché. On entendit en effet un certain Jean BÉRARD, matelassier de profession, qui prétendit avoir vu l'accusé, le 1er septembre 1840, jour du crime, près de St-Etienne-Lardeyrol, où il était allé faire des matelas chez le curé de cette localité. Ce témoignage tardif, et ils abondaient dans cette affaire, fut aussitôt démenti à la barre, par le curé lui-même, M. LEGAT, qui affirma que le matelassier n'était pas venu chez lui le jour de l'assassinat du châtelain voisin. Menacé d'arrestation, BÉRARD, apeuré, convint qu'il avait pu se tromper de date et l'incident fut clos.
L'audition des témoins se termina par le défilé de ceux qui avaient vu ou croyaient se rappeler avoir vu BESSON au Puy, le soir du crime, entre 17 et 20 heures. Ces témoins de l'alibi, qualifiés par Me BAC de "phalange sacrée", ils étaient huit à Riom, plus de vingt à Lyon. La défense en avait donc recruté, mais qui donc parmi eux pouvait attester que l'accusé ne s'était pas absenté au cours de la nuit ?
Le 27 août, les dépositions terminées, commença une véritable joute oratoire. La parole fut d'abord à la partie civile. Me BAC prononça une remarquable plaidoirie, d'une rare éloquence, passionnée certes, mais non dépourvue d'une certaine pitié à l'égard de l'accusé, lorsqu'il évoqua l'absence des dames de la ROCHENÉGLY.
"Ah, Messieurs, s'écria-t-il, cette fuite des dames de Chamblas fait naître en moi de bien cruelles réflexions et me saisit d'une pitié profonde pour l'homme que j'ai pour mission d'accuser. Je le vois ici isolé, abandonné, dépouillé de tout ce qui pouvait lui faire quelque espérance ... Oui, il est un témoignage qui devait jusqu'à la fin s'élever en votre faveur ; oui, il est, même dans le crime, des générosités qu'il ne faut jamais déserter. Les dames de Chamblas devaient jusqu'à la fin, subir avec vous les conséquences de la position qu'elles vous ont faite. Innocent ou coupable, elles devaient vous suivre sur le banc des accusé.
... Et maintenant, Besson, vous voilà seul ici, en présence d'une Justice irritée, abandonné de ces femmes dont la protection a longtemps soutenu votre courage, victime d'un dévouement que vous avez porté jusqu'au crime et que vous porterez je le crains, jusqu'au sacrifice de votre vie.
... Oui, Besson, je vous le dis et songez à mes paroles, peut-être dans le secret de certaines consciences y-a-t-il le désir de voir tomber votre tête sur l'échafaud, car votre mort c'est le silence, et le silence, pour certaines personnes, c'est l'impunité, je ne dis pas la tranquillité, il n'en a pas pour les coupables.
... Ah, Mesdames, vous êtes pieuses, vous croyez en Dieu, vous croyez en l'humanité : vous voyez les charges les plus accablantes peser sur un innocent que vous devez protéger : il va succomber ; d'un mot vous pouvez le sauver et vous ne dites rien, rien, rien.
Dans quelques jours l'échafaud va se dresser au milieu de la ville du Puy ; cette tête sanglante va rouler auprès de votre maison ; et vous la laisserez tomber et vous garderez dans votre cœur le secret de l'innocence. Ah, cela n'est pas possible.
... Arsac est poursuivi, accusé, condamné ; on dit que vous avez accueilli familièrement ce domestique, que vous, grandes dames, vous l'avez fait s'asseoir à votre table, que vous avez tâché d'obtenir son silence.
Et vous ne dites rien.
Mesdames, avec vos pareilles, il n'y a que deux choses qui rapprochent les distances et fassent commencer l'égalité : la mort ou le crime".
Dans un réquisitoire d'une haute tenue, M. le Procureur Général FEUILHADE de CHAUVIN, succédant à Me BAC, réunit toutes les charges accusant Jacques BESSON. Sur les dames de Chamblas pour la défense de qui personne ne pouvait se lever, il ne s'attarda pas, mais avec une connaissance approfondie des moindres détails du dossier, il fit état de conciliabules qui s'étaient tenus dans un cabaret, peu avant l'assassinat, entre Jacques BESSON et plusieurs individus suspects, ainsi que de certaines présences insolites autour du château, avant, pendant et après le crime. Sa conviction était que BESSON était coupable, mais que pour l'exécution, il avait eu encore d'autres complices qu'ARSAC et que M. de MARCELLANGE avait été victime d'un complot monté par celui qui nourrissait contre lui la plus grande haine. Dans une splendide plaidoirie, le défenseur de l'accusé fit tour à tour le procès de Marguerite MAURIN, dont la raison fut mise en doute, et de Claude REYNAUD dont il chercha à disséquer et à détruire les tardifs mais accablants témoignages. Il s'efforça aussi de prouver que les époux PUGIN, qui disaient avoir entendu se refermer la porte de la maison de la Rochenégly au milieu de la fatale nuit, avaient pu être abusés par un autre bruit apporté par le vent du midi. Enfin, il insista sur l'alibi invoqué par Jacques BESSON malade, incapable de marcher et que vingt personnes au moins avaient attesté avoir vu au Puy le soir du crime.
Terminant par l'examen de l'attitude d'ARSAC à la barre, face à face avec l'Avocat de la partie civile, il s'écria : "Et, je vous le dis, Me Bac, dans ce combat ..., ce paysan vous a vaincu par l'imposante éloquence de son silence". Piqué au vif, son adversaire bondit et dans une improvisation foudroyante, il répliqua et la salle éclata en applaudissements. Mais sans se lasser, Me LACHAUD reprit la parole et chercha à faire naître le doute sur la culpabilité de BESSON.
Le lendemain, à la reprise de l'audience, Me BAC répliqua de nouveau et brandit en un faisceau serré tous les arguments de l'accusation. Sa plaidoirie se termina au milieu d'une véritable ovation.
La défense repartit une dernière fois à l'assaut et Me LACHAUD lutta, malgré sa fatigue manifeste, prenant alors à partie la famille de MARCELLANGE.
Dans un dernier effort, il adjura le Jury en ces termes : "Ne comprenez-vous pas que, dans cette existence commune qui s'est établie entre le défenseur et l'accusé depuis dix jours, il est arrivé que votre verdict n'atteindrait pas Jacques Besson seul et que, s'il était affirmatif, mon désespoir serait accablant. Ne comprenez-vous pas qu'au fond de ma conscience se trouverait le reproche de n'avoir pas suffisamment accompli mon devoir, d'avoir oublié quelque chose qui pût être utile au salut de l'accusé".
Mais la conviction des Jurés était faite. Leur délibération ne dura guère plus d'une demi-heure et ils rapportèrent la même réponse affirmative qu'à Riom aux deux questions posées, sans accorder de circonstances atténuantes.
Pour la seconde fois, la Cour condamna BESSON à la peine de mort et ordonna que l'exécution aurait lieu sur une des places publiques du Puy.
Ce verdict sévère ne fut pas unanimement approuvé. C'est ainsi que le chroniqueur du journal de Riom, "La Presse Judiciaire", qui connaissait bien l'affaire pour l'avoir suivie lors de la première condamnation, écrivit : "Après neuf jours de dramatiques débats, Jacques Besson a été une seconde fois condamné à la peine de mort. On ajoute même que l'exécution aurait été ordonnée sur le théâtre du crime. Cette rigueur inutile ne nous semblerait avoir pour résultat que de prolonger l'agonie d'un malheureux condamné. La curiosité publique a subi dans ce triste procès de nombreuses péripéties. Avant-hier on répandait dans notre ville la nouvelle d'un acquittement, alors que les journaux de Paris annonçaient une condamnation aux travaux forcés à perpétuité. Cette croyance générale à l'admission des circonstances atténuantes semblait légitimée par les dernières paroles du réquisitoire de M. le Procureur Général : "Je ne considère que le crime, le crime seul doit inspirer de l'indignation et de l'horreur ; mais un accusé, quel que soit son crime, doit toujours faire pitié. Oui, oui, Justice, sans doute, la loi le veut, l'humanité le commande, mais on peut être juste sans cesser d'être humain". Le Jury n'a pas voulu comprendre cette concession ...".
BESSON, usant, dès le lendemain, de toutes les voies de procédure, fit encore un pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'Assises de Lyon.
Le principal moyen invoqué, cette fois-ci, était l'incompétence du Juge d'Instruction du Puy que le Président de la Cour d'Assises du Rhône avait chargé d'un supplément d'information, avant les derniers débats. La Cour d'Assises de la Haute-Loire ayant été dessaisie pour cause de suspicion légitime, le conseil du condamné, Me BECHARD, soutenait que ce supplément d'information n'aurait pas dû être confié au Magistrat instructeur du Puy.
Mais sur les réquisitions de M. le Procureur Général DUPIN lui-même, le 17 février 1843, la Cour Suprême, qui avait à connaître pour la 3ème fois du dossier de BESSON, sous la présidence du Baron de CROUSEILHES, rejeta le pourvoi, disant que le renvoi pour suspicion légitime n'avait visé que la Cour d'Assises, le Jury de la Haute-Loire, et non le Juge d'Instruction.
Il ne restait plus à BESSON que l'espoir d'une grâce. Le 20 février, son défenseur, Me LACHAUD, adressa au roi Louis-Philippe une requête pour solliciter sa clémence en faveur de celui qui, balloté de Cour d'Assises en Cour d'Assises, depuis plus de deux ans, venait d'être condamné pour la deuxième fois à la peine capitale.
Il y exposait très habilement les conditions et l'atmosphère dans lesquelles BESSON, qui n'était sans doute pas le seul coupable, et qui ne l'était peut-être même pas du tout, avait été poursuivi et condamné par des Jurés dont la conviction avait dû être formée, avant les débats, par des publications téméraires et abusives, diffusées par la partie civile.
Un mois plus tard, le recours fut rejeté. Toutefois la Commission des Grâces et le Garde des Sceaux attendaient des révélations de la part de BESSON ; aussi fut-il prescrit de surseoir à l'exécution au cas où il en ferait de nature à entraîner un supplément d'information.
Mais BESSON conserva le silence jusqu'à la fin. Il fut transféré, en calèche de poste, de Lyon au Puy, où l'exécution avait été ordonnée par l'arrêt de condamnation. Arrivé à destination, le 27 mars dans l'après-midi, il ne subit le châtiment suprême que le lendemain.
En vain, le Procureur du Roi, le Préfet et le Maire vinrent tour à tour l'exhorter à parler.
"Je n'ai rien à révéler, répondit BESSON ... Je pourrais faire des "paquets" à la Justice pour gagner du temps. Mais où cela me mènerait-il ? On ne me ferait pas grâce. Autant mourir tout de suite".
Et le 28 mars, vers midi, sur la place du Martouret, devant l'Hôtel de Ville, au milieu d'une foule évaluée par l'autorité administrative à 20.000 personnes, venues de toutes parts, qui se pressait sur la place et dans les rues avoisinantes et qui avait envahi les fenêtres et les toits, la tête de Jacques BESSON tomba sous le couperet du bourreau du Puy, assisté de celui de Montbrison.
BESSON mourut stoïquement, emportant son secret dans la tombe, faisant preuve d'une énergie morale surprenante que seule une grande haine ou un grand amour pouvait expliquer, énergie morale égale au courage physique dont il avait fait preuve, si c'était bien lui qui avait tiré sur M. de MARCELLANGE, en allant de nuit, par des chemins difficiles, malgré son état de faiblesse et de ses pieds à vif, perpétrer son crime à 9 kilomètres du Puy.
Justice était faite. Le soir même de l'exécution, des camelots avisés vendaient dans les rues du Puy une complainte que l'on chanta longtemps, à la veillée, dans nos campagnes. En 120 vers, 15 couplets, elle relatait le crime affreux et le juste châtiment de BESSON, non sans égratigner au passage les dames de Chamblas.
Rarement procès criminel n'a suscité autant de passions et de craintes, fait naître autant de faux témoignages et provoqué autant d'incidents et d'intervention de la Cour de Cassation. Avec le recul du temps et après une étude objective des documents qui nous restent sur cette affaire, on peut, je crois, penser que les Jurés du Puy-de-Dôme et ceux du Rhône qui ont eu la possibilité d'étayer leur intime conviction, bien plus qu'à la froide lecture d'un dossier, sur de nombreux témoignages oraux et d'en apprécier la sincérité, ne se sont pas trompés.
Jacques BESSON n'a pas été victime, bien qu'il n'ait point passé d'aveux, d'une erreur judiciaire. C'est bien lui qui est responsable de l'assassinat de M. de MARCELLANGE, même si, comme il n'est pas défendu de le supposer, son état de santé ne lui permettant pas d'aller jusqu'à Chamblas, les coups de feu ont été tirés par un complice, un de ces individus suspects qui avaient participé, ainsi que l'avait bien fait remarquer M. le Procureur Général FEUILHADE de CHAUVIN, à certains conciliabules, peu avant le crime.
A-t-il eu plusieurs complices ? Son silence obstiné et celui d'ARSAC n'ont pas permis d'élucider ce point. ARSAC, berger de la montagne, privé de l'air et des vastes horizons vellaves, mourut en effet à la Maison centrale de Clermont, en 1845, sans avoir fait de révélations.
Dans ces conditions, bien difficiles aussi est de connaître les vrais mobiles qui ont fait agir BESSON. Sans doute haïssait-il violemment M. de MARCELLANGE, sans doute voulait-il se venger de lui, mais ces sentiments étaient-ils suffisants pour le conduire au crime ? Il faut qu'il se soit senti moralement soutenu par les dames de Chamblas et aussi par Marie BOUDON, qu'il ait été en quelque sorte victime de l'atmosphère de l'hôtel de la Rochenégly où tout le monde souhaitait la disparition du "gêneur".
Certains ont supposé qu'il était épris de la jeune et jolie femme de chambre, d'autres même qu'il éprouvait un tendre sentiment pour Mme de MARCELLANGE. "Cœur humain, mystère".
Il est certain que, comme de la ROCHENÉGLY, il aurait aimé revenir en maître à Chamblas où il aurait repris la direction de l'exploitation du domaine, espoir que le projet de location qui allait être signé, allait anéantir à jamais.
Rien ne prouve que, comme les dames de la ROCHENÉGLY aient été complices du crime, malgré leur attitude aussi étrange que maladroite après la mort de M. de MARCELLANGE. Cependant, si l'on admet la culpabilité de Jacques BESSON, il faut bien admettre aussi leur grande responsabilité morale et spécialement celle de la Comtesse.
Il apparaît, comme l'a souligné judicieusement M. l'Avocat Général MOULIN dans son réquisitoire, que l'intrusion de celle-ci dans le jeune ménage fut des plus néfastes et que sans elle, on n'aurait sans doute pas eu à déplorer l'assassinat de son gendre.
Belle-mère néfaste, elle le fut après avoir été femme fatale. Avant le décès du Comte de la ROCHENÉGLY, sa femme, je vous l'ai dit, vivait seule à Lyon, dans une maison de repos, loin de son mari et de sa fille unique. Officiellement, c'était pour raison de santé. En fait, le Comte avait imposé à sa femme cette résidence séparée, à la suite d'un scandale dont elle fut la triste héroïne et qui fit deux victimes.
Le 18 avril 1829, à Paris, aux alentours de 4 à 5 heures du soir, un homme à peine débarqué de la diligence du Puy, se tenait sur le pont de la Concorde, les regards fixés sur la Chambre des Députés. C'était un jeune et brillant officier, M. G. de P., dont la famille possédait une gentilhommière dans les environs de Chamblas.
Survint, sortant du Parlement où la séance venait de prendre fin, M. C. de la F., Représentant de la Haute-Loire. Comme il s'engageait sur le pont, celui qui le guettait se porta à son devant et sans un mot lui tira un coup de pistolet à bout portant. M. C. de la F. [Jean-François CALEMRD de LAFAYETTE] tomba, mortellement frappé. M. de P. se fit alors justice en se tirant un coup de feu dans la bouche.
J'ai pu lire dans le journal manuscrit tenu par un contemporain que ce drame avait été provoqué, selon ses propres termes "par cette chienne de Forézienne qui a épousé ce malheureux la Rochenégly". "Notre Député, ajoutait le chroniqueur, sera fort regretté de tous, car il était très aimé et sa famille est très considérée en Velay".
Quoiqu'il en soit, qu'advint-il des dames de la ROCHENÉGLY ? Après leurs dépositions à Riom, elles ne reparurent plus en Haute-Loire et cherchèrent à se faire oublier. Après la deuxième condamnation de BESSON, l'hôtel du Puy et le domaine de Chamblas furent vendus. Est-ce en Suisse, en Italie, à Naples ou en Sicile, ou à Paris qu'elles finirent leurs jours, comme on l'a diversement avancé ? Je ne saurais le dire.
Quant à Marie BOUDON que certain roman publié en 1882 a dit vivre, à cette époque, du côté de Lyon, dans un couvent de Trappistines, à la règle si austère, j'ai pu vérifier qu'elle était déjà décédée depuis 14 ans, en 1868, [le 15 mars, à l'âge de 58 ans] à Viviers, dans l'Ardèche, où elle s'était retirée auprès de sa sœur, après l'exécution de Jacques BESSON. Son acte de décès la qualifie de rentière.
Telle est l'histoire du crime de Chamblas qui reste encore bien entourée d'énigmes et dont tous les acteurs ont depuis longtemps disparu. Seul un étrange mascaron, sorte de tête de Méduse, artistiquement sculptée, qui surmonte toujours rue de l'ancienne Préfecture, au Puy, devenue rue du Cardinal de Polignac, la porte d'entrée de l'ancien hôtel de la Rochenégly, dernier témoin des tragiques évènements que je viens de relater, s'il pouvait parler, nous aurait aidé à élucider le troublant mystère de l'assassinat de M. de MARCELLANGE.
Bibliographie : Michel POMARAT,Cahiers de la Haute-Loire,1968; Causes célèbres de tous les peuples, A. Fouquier, 1859; AD43, Registres d'état-civil du Puy-en-Velay; http://www.ina.fr/video/CPF86633188.
(Source : http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2018/04/17/36329166.html).
Haute-Loire - retour sur le passé - L’auteur du crime de Chamblas guillotiné au Puy-en-Velay
Par Gérard ADIER
Le fameux crime du château de Chamblas, sur les coteaux de la contrée boisée située entre Saint-Hostien et Saint-Étienne-Lardeyrol, s’est déroulé le 1er septembre 1840. La victime, Louis de MARCELLANGE, avait été tuée par un coup de fusil venant de l’extérieur alors qu’il était au coin du feu.
A l’époque, le château de Chamblas est un manoir entouré d’un vaste domaine muni d’une haute tour dominant la forêt alentour.
C’est là, qu’un soir d’automne de septembre 1840, Louis de MARCELLANGE, assis près du vaste manteau de la cheminée du château, mourut tragiquement d’un coup de fusil tiré de l’extérieur, alors que grondait l’orage. Il avait 34 ans.
Il devait être 20 h 30, les domestiques prenaient leur repas dans la cuisine, à l’heure ou Louis de MARCELLANGE était installé dans l’âtre de la grande cheminée, le dos tourné à la fenêtre donnant sur la cour. Soudainement, des détonations retentissent, les carreaux volent en éclat, l’homme s’effondre et meurt sur le coup. L’autopsie réalisée le lendemain révélera qu’il a été tué de deux projectiles tirés par un fusil. Une balle fatale lui avait traversé le poumon et le cœur.
Après le temps de l’horreur, des recherches tous azimuts sont alors menées dans les alentours du château, mais le tireur a disparu.
Fait troublant : les chiens de chasse de Chamblas, qui dormaient au pied de leur maître, n’ont pas aboyé. Dehors, le chien de garde a été détaché et a disparu.
Tout le monde s’accorde à dire, à l’époque, que Louis de MARCELLANGE n’avait pas d’ennemis au pays où il fut d’ailleurs fort regretté. L’enquête des gendarmes qui suivit fut très minutieuse, et il paraissait évident que l’assassin était un familier de la maison.
Un constat fort : Le crime était prémédité. On avait bien aperçu un homme avec un fusil dans les bois de Chamblas, peu avant le crime, mais la clameur populaire accusait bien davantage les dames de Chamblas (sa femme et sa belle-mère) sur fond de fortes dissensions familiales.
La zizanie régnait dans la famille au point que Louis de MARCELLANGE avait même envisagé de quitter le château pour Moulins, dans l’Allier, où il avait une propriété personnelle et ses origines familiales. Au moment du drame, il envisageait de louer le domaine et le château de Chamblas. Ce n’était pas du goût des dames, car ce manoir qu’elles choyaient allait être occupé par un fermier, les privant de la jouissance de la propriété. Un bail devait être signé le 2 septembre 1840, mais Louis de MARCELLANGE fut assassiné la veille. En hiver, son épouse, Eugénie de la ROCHENEGLY, regagnait souvent son hôtel particulier rue du cardinal de Polignac, au Puy-en-Velay. Mais durant les beaux jours, elle aimait revenir à Chamblas.
L’enquête mit alors en avant le dénommé Jacques BESSON, 32 ans, un homme au service de la famille de Chamblas, qui exerçait un fort pouvoir dans la gestion du domaine. Congédié par Louis de MARCELLANGE parce que trop entreprenant, il avait été recueilli par sa femme et sa belle-mère (les dames de Chamblas) qui en avaient fait leur homme de confiance.
L’homme était devenu haineux et menaçant vis-à-vis de MARCELLANGE qui, du coup, ne sortait jamais sans ses armes. De leur côté, les dames prétendaient que BESSON était bien malade de la petite vérole et cloué au lit, mais on l’avait bien vu debout quelques jours avant le crime. L’enquête mit en relief aussi une tentative d’empoisonnement de MARCELLANGE quelques temps avant le crime.
Puis, une révélation précise vint établir la présence de Jacques BESSON dans les bois de Chamblas juste avant le crime : il fut arrêté le 19 novembre 1840. Malgré d’autres témoignages accablants, l’homme prétendait qu’il était au Puy-en-Velay au moment du crime. Durant 18 mois que dura l’information judiciaire, il n’y eut jamais d’aveux de la part de l’inculpé.
Jacques BESSON comparut au Puy-en-Velay le 14 mars 1842 devant la cour d’assises qui siégeait, alors, dans l’ancienne chapelle du couvent de la visitation, en haute-ville.
Une foule très importante suivait ce grand procès criminel dans le prétoire. L’accusé ne changea pas sa version, niant les faits. Mais un incident lié à un faux témoignage renvoya l’affaire en session suivante. La clameur publique poursuivait toujours les dames de Chamblas, estimant « que BESSON n’était que leur instrument ».
On déplorait que ces dames ne soient pas plus inquiétées dans cette affaire. Jacques BESSON comparut pour la deuxième fois devant le jury ponot. Puis l’affaire fut renvoyée devant celui de Lyon, le 19 décembre 1842, à la suite d’un vice de forme. La presse parisienne s’était emparée de l’affaire. Il y eut une révélation : en allant tuer Louis de MARCELLANGE, Jacques BESSON avait croisé le dénommé ARSAC et l’avait obligé à libérer le chien, en le menaçant avec le fusil. Le rôle de ce dernier restera trouble.
(Source : Le Progrès du 18 septembre 2016).





VILLAR (de ) Chantal Marguerite Marie
Père : VILLAR (de ) Louis Antoine ( 1909 - 1996 )
Mère : LAROCHE Elisabeth Marie Pierrette ( 1912 - 1973 )

Union : GUITTON Jean-Paul ( ? - ? )
VILLAR (de ) Chantal Marguerite Marie
VILLAR (de ) Louis Antoine
 
 
LAROCHE Elisabeth Marie Pierrette
LAROCHE Jean Pierre Paul Antoine
MONTGOLFIER (de ) Elise Lucie




VILLAR (de ) Hélène Geneviève Marie Claude
Père : VILLAR (de ) Louis Antoine ( 1909 - 1996 )
Mère : LAROCHE Elisabeth Marie Pierrette ( 1912 - 1973 )

VILLAR (de ) Hélène Geneviève Marie Claude
VILLAR (de ) Louis Antoine
 
 
LAROCHE Elisabeth Marie Pierrette
LAROCHE Jean Pierre Paul Antoine
MONTGOLFIER (de ) Elise Lucie


                     


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