Note individuelle
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Il eut 8 enfants de son premier mariage, et 9 du second.
Laboureur et fermier de la Bretonne, juge et tabellion de Sacy en 1735 (Source : voir fichier Geneanet de Guillaume de Tournemire).
Edme, devenu le chef de famille, se trouve dans une situation cornélienne. Bien que son biographe, Nicolas, n'en souffle mot, il n'a pas pu ne pas envisager le dilemme où il se trouve : se refuser à s'unir à celle que son père lui imposait, Marie Dondaine, ou bien alors remplir son contrat d'obéissance à son père : accepter le mariage avec l'une de ces «rebutantes créatures de Saci» et devenir dépendant d'un homme qu'il n'aimait pas.
Ne peut-on raisonnablement penser que d'autres considérations ont eu quelque poids ? La situation financière de Pierre Restif n'aurait-elle pas été compromise ? Et pour un garçon prévoyant - Edme l'était - cela dut compter.
Quoi qu'il en fût, il semble bien qu'Edme se soit résigné à son contrat d'obéissance.
Et c'est alors que se produit l'épisode burlesque qui manquait à la tragédie. Thomas Dondaine qui a appris la mort de Pierre Restif se précipite à Nitry, rempli du sombre pressentiment que le jeune Edme va refuser sa fille et que le bel échafaudage marital, mais financier, combiné entre les deux pères s'effondre brusquement, le jour prévu du mariage.
Entrant dans la maison, le «grossier saxiate» Thomas, le front rembruni, s'attend à trouver un garçon délivré d'une terrible contrainte et qui, manifestement, se refuse à un marché qu'il a dû subir.
Pas du tout ! Edme court à lui, se jette dans ses bras, en larmes, lui déclare «Je n'ai plus que vous comme père. Je vous ai été donné par le mien; vous êtes son choix; je vous promets et vous jure le même respect et la même soumission que j'avais pour lui».
L'astucieux bonhomme ébahi, mais non point pris de court, profite aussitôt de la disposition si favorable d'Edme Restif pour décider que le mariage aurait lieu le lendemain, en même temps que les obsèques du défunt.
On pourrait s'étonner que les deux curés, Pandevant, de Sacy et surtout Pinard, de Nitry, se soient prêtés à une cérémonie aussi anormale, s'il n'était pas certain que leur acceptation de l'absence des bans canoniques ne supposait clairement qu'ils avaient été mis au courant au préalable de la combinaison des deux compères.
Le malheureux Edme devait payer cette acceptation si peu commune de la volonté paternelle, d'une sorte d'esclavage de sept années chez son beau-père à Sacy.
On a peu de renseignements sur la personnalité de Marie Dondaine, l'épousée d'Edme Restif. Les quelques mots qu'en dit Nicolas, qui est fils de la seconde femme d'Edme Restif, n'ont rien de défavorable. Au contraire, Marie Dondaine qui, en sept années de mariage, donnera sept enfants à son mari, fait penser à une femme soumise, travailleuse, aimante. On peut supposer qu'elle adoucira au possible les rapports, certainement peu agréables, qui règneront entre le redoutable bourreau de travail qu'était Thomas Dondaine et son gendre, lequel a dû se résoudre à vivre au domicile du beau-père.
Marie Dondaine meurt en 1730.Il semble bien qu'une des premières décisions que prendra Edme est de quitter la maison de son beau-père pour s'installer chez lui, près de l'église. Il fait venir sa mère, Anne Simon, pour s'occuper de ses enfants encore bien jeunes; l'aînée est une fille qui n'a guère que sept ans.
La grand'mère mourra au bout de trois ans et Edme Restif, occupé au dur labeur de défricher des terres et de se constituer une exploitation, laisse son foyer à des mains mercenaires. Son intérieur en souffrira beaucoup, même si le chef de famille, néanmoins, continue de s'occuper pour le mieux de l'éducation de ses enfants.
Et voici qu'un événement va changer sa vie alors qu'il est veuf depuis trois ans.
Le vieux curé Pandevant est mort. Un jeune prêtre, Antoine Foudriat, l'a remplacé à Sacy. Une toute jeune femme vient d'arriver au village. Pour le jeune curé qui doit s'occuper de la jeune femme, Barbe Ferlet, que des héritiers poursuivent en raison de son inextricable situation matrimoniale, le risque est grand. Les langues ne manqueraient pas de jaser si la jeune femme venait trop souvent au presbytère. Le jeune curé Foudriat, confiant dans la sagesse d'Edme Restif, l'appelle pour s'occuper des affaires de la jeune veuve.
Barbe Ferlet était de Bertro, où elle est née le 22 janvier 1703, petit hameau d'Accolay situé sur une hauteur de la rive droite de la Cure, séparé du village par la Cure, à proximité des anciens fours à chaux de Vermenton.
Elle n'a pas vingt ans, mais elle a été mariée.
Son premier mariage, permis par une marraine vraiment bien confiante, peut-être complaisante, à Paris, alors que la jeune fille n'avait que seize à dix-sept ans, les avatars de ce mariage avec ce curieux personnage de Boujat (Il était donc bigame). Il s'ensuit une histoire plutôt abracadabrante : la première femme a pardonné, puis est morte. La jeune femme qui avait eu un enfant du bigame se remarie avec le mari peu scrupuleux. Elle devient veuve quatre ans plus tard, en 1733. Mais les démêlés avec la première femme pourraient la faire mal juger.
Antoine Foudriat réussit à la lui faire épouser en dépit de ses légitimes hésitations : la jeune femme avait alors moins de vingt ans et Edme Restif quarante-deux.. Le mariage fut célébrer à Sacy, le 25 janvier 1734.
L'arrivée d'une jeune femme déjà pourvue d'un fils, Albert Boujat, dans la maison d'Edme Restif ne devait pas tarder à soulever bien des remous, en dépit du fait que Barbe Ferlet fût une bonne ménagère et qu'elle s'attachât à la remise en ordre d'une maison bien négligée. Nicolas Restif lui attribue naturellement les plus grandes qualités dont la « pétulance » de sa jeunesse n'est qu'un aspect brillant. Selon Monsieur Nicolas, elle « réunissait au même degré la vivacité de l'esprit, la bonté du cœur et la beauté du corps. Quoique blonde, elle était vive jusqu'à la pétulance, mais elle savait se réprimer jusqu'à la douceur et la complaisance jamais démenties ». C'est après tout possible.
Le 23 octobre 1734 naissait à Sacy dans une maison voisine de l'église, à la "Porte Là-bas", à l'extrémité ouest du village : Nicolas-Edme Rétif, le futur écrivain.
En treize ans, Barbe Ferlet devait donner naissance à sept enfants nouveaux : Pierre Thomas en 1736 ; un enfant mort-né en 1737 ; deux jumelles : Marie-Geneviève et Catherine ; Jean-Baptiste en 1740 ; Marie-Anne en 1741 ; Charles en 1743 et Pierre, le dernier, en 1744.
Le 12 mars 1740 : Edme Rétif avait acheté la maison et le domaine de La Bretonne, à l'extrémité est de Sacy. La famille Rétif quitte la maison près de l'église et s'installe en 1742. Cette maison existe toujours à la sortie du village, en direction de Joux.
Edme Rétif est entouré de la considération des habitants du village, portant la charge de Lieutenant des trois seigneurs de Sacy : l'Evêque, Mgr de Caylus, le Chapitre d'Auxerre, le Commandeur de l'Ordre de Malte. On le désigne déjà comme Restif de la Bretonne -- désignation qui n'en fait pas un noble -- mais il est « l'Honneste homme » pour ses compatriotes remplis de considération pour lui.
La présence d'enfants de deux lits différents, avec en plus, celle du jeune Albert Boujat, avaient causé des frottements au sein de la famille pendant les premières années du mariage.
Si le père réussissait, sans autre difficulté, à donner à sa jeune femme le gouvernement régulier de sa maison, les filles du premier lit -- dont l'aînée avait seulement trois ou quatre ans de moins que Barbe Ferlet -- sans doute encouragées plus ou moins par leur grand-père Thomas Dondaine, menaient la vie dure à leur belle-mère. Edme Restif ne s'en était alors jamais aperçu.
Le séjour momentané de sa plus jeune sœur Marie fut le révélateur de l'extrême mésentente qui régnait entre les femmes de la maison. Marie dénonça ses nièces avec véhémence. Edme Restif, subitement informé, se déchaîna : l'aînée de ses filles, Anne (Nanette) qui devait avoir une vingtaine d'années fut mariée presque aussitôt ; la seconde des filles du premier lit, Marie, expédiée à Paris (on la retrouvera mariée en 1747, accueillant ses deux frères au départ de Bicêtre), la troisième, Marianne, fut exilée chez son grand-père Thomas Dondaine qui hébergeait déjà la quatrième, Magdeleine. La cinquième fille, Marguerite-Anne, encore enfant, parut hors de cause. Ainsi se dénoua un drame de famille que Nicolas explique avec quelque complaisance, donnant naturellement le beau rôle à sa mère.
Les deux fils du premier lit, Edme Nicolas, alors au séminaire, et Thomas, vraisemblablement dans un établissement religieux, ne paraissent pas avoir trempé notablement dans la conjuration contre leur belle-mère.
Leur absence du foyer, comme le caractère semi-sacré qu'Edme Restif gardait pour des hommes devant se consacrer à la religion, expliquent la retenue de leur père en cette occasion.
Pierre Rétif, neuvième et dernier enfant, naît le 21 août 1744; c'est lui qui prendra la succession de son père à la ferme; dans Le Paysan perverti, Rétif lui donne le rôle important de Pierrot (promu au rang de frère aîné), le paysan fidèle à ses origines, le gardien des valeurs morales traditionnelles.
En juillet 1745, le jeune Nicolas est mis en pension à Vermenton, chez sa demi-sœur Anne et en octobre, il est à l'école de Joux.
Nicolas part pour Bicêtre, le 17 octobre 1746. Il sera élève de « l'école des enfants de chœur de l'hôpital », sous l'autorité de son demi-frère Thomas.
Il retrouve à Paris le fils de Barbe Ferlet, né sans doute quatre ans avant lui du bigame, premier époux de sa mère, Albert Boujat. Garçon intelligent, il avait pris la profession de chirurgien se tuera prématurément en 1746, dans un accident de cheval.
Le nouvel archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, mène une politique anti janséniste. Nicolas et Thomas Rétif doivent quitter Bicêtre. Ils sont dans un premier temps recueilli par Marie, sœur du premier lit, mariée à Louis Beaucousin. Ils regagnent Auxerre le 20 décembre1747 et à la fin du mois, Nicolas est à Courgis, chez son frère parrain (premier enfant du premier lit), curé du village. Destiné à l'état ecclésiastique, il doit y apprendre le latin.
Nicolas-Edme, Intelligent, travailleur, austère, est curé de Courgis lorsque ses frères Thomas et le jeune Nicolas sortiront de la maison d'enfants de chœur de Bicêtre. Il installera alors son frère Thomas avec lui et tentera d'élever son demi-frère Nicolas qu'il gardera près de lui pendant trois ans.
C'est en 1748 à Courgis que Rétif dit avoir connu son premier amour, Jeannette Rousseau, la fille du notaire. Là qu'il se plaira dans ces états d'âme romantiques qu'il décrira plus tard avec tant de complaisance « J'ai tout fait pour mériter cette fille, que je n'ai pas eue, à qui je n'ai jamais parlé ; dont le nom me fait tressaillir à soixante ans, après quarante-six années d'absence, sans jamais avoir pu prendre sur moi d'oser demander de ses nouvelles [...] » (Monsieur Nicolas).
Nicolas commence à tenir ses memoranda (1749). D'après le récit autobiographique, il s'agit de « cahiers d'étude », où il inscrit ses premiers essais poétiques célébrant la beauté de Jeannette et des autres filles de Courgis et deux actes d'une comédie latine en prose imitée de Térence.
C'est à Courgis que Restif terrifiera son frère le curé qui, persuadé un jour qu'il avait perdu la foi, s'agenouillera devant lui, humblement, pour le supplier de ne pas tomber dans cette terrible extrémité..
En novembre 1750, Nicolas est renvoyé de Courgis pour s'être montré trop insoumis à l'autorité morale et intellectuelle de son frère curé ; il revient à Sacy, où, pendant dix-huit mois, il se consacre aux travaux des champs.
(Source : http://auxerre.historique.free.fr).
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