Note individuelle
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Héritière d'une fortune colossale et d'oeuvres d'art d'une valeur inestimable, Suzanne Barou de la Lombardière de Canson a mené une existence surprenante qui l'a conduite à une fin tragique. A 18 ans, alors qu'elle vient tout juste de se marier avec un cousin germain, elle le quitte pour une femme de dix ans son aînée, Laurence Paul. Nous sommes en 1928 et son homosexualité la marginalise au sein de son milieu, mais aussi de sa famille, les richissimes Canson, dont le nom est celui du célèbre papier à dessin.
Une grande partie de sa vie, Suzanne de Canson a vécu libre de toute contrainte, grâce au soutien financier de son père puis, après sa mort, en 1958, en revendant son héritage au gré de ses besoins. Composé principalement de toiles de maître et d'antiquités de grande valeur, il attirait les convoitises des rares personnes faisant partie de son entourage, mais pas seulement.
L'art est un petit milieu où tout le monde se connaît et où tout se sait. Quand on apprend qu'un Murillo, « le Gentilhomme sévillan », fait partie du patrimoine de Suzanne de Canson, des acquéreurs se manifestent.
En 1981, Pierre Rosenberg, qui fut conservateur au Louvre avant d'en devenir le président, lui adresse un courrier pour lui proposer de vendre ce tableau au musée. Celle-ci avait alors refusé parce qu'elle ne tenait pas les gens qui travaillaient pour le Louvre en haute estime. Sa soeur Jeanne Deschamps affirme qu'elle les considérait comme des malfrats.
L'enquête d'Anne Gautier nous relate deux affaires en parallèle : celle concernant le dépouillement de la fortune de Suzanne de Canson par sa compagne, Joëlle Pesnel, et celle de son décès, en 1986, dans des circonstances particulièrement sordides (elle sera séquestrée et privée de nourriture jusqu'à ce qu'elle meure des suites des traitements ignobles qu'elle a subis). Témoignages et documents d'archives viennent éclairer cette ténébreuse affaire qui mêle argent, violence et trafic d'oeuvres d'art. Quant au tableau de Murillo, aujourd'hui nommé «Portrait de Fernandez de Velasco», il est exposé au Louvre. Au premier étage de l'aile Denon, salle 26
Tobias Géniès
(Source : http://teleobs.nouvelobs.com à propos de l'émission "Faites entrer l'accusé" sur France 2 le 11 novembre 2012).
Suzanne Barou de la Lombardière de Canson : l'héritière du fameux papier à dessin "Canson". Une femme très riche, qui menait grand train, forte des toiles de maîtres, et des oeuvres d'art que son père lui avait léguées. De palace en palace, de la Côte d'Azur aux rives du lac Léman, elle vivait de ses rentes, gageant ou vendant ses biens, au gré de ses besoins. Mais un jour, Le Gentilhomme sévillan de Murillo, l'un des fleurons de sa collection, s'est retrouvé au catalogue du plus célèbre marchand d'art londonien, et le tableau est entré au Louvre… Une opération que Suzanne Barou de la Lombardière n'aurait jamais autorisée de son vivant. C'est ce qui a alerté l'un de ses amis. De fait, la vieille dame ne risquait pas de vendre son tableau : elle était morte ! Affamée et maltraitée, par une ex Miss Toulon qui lui volait peu à peu toutes ses oeuvres. Quand Jeanne Deschamps apprend la mort de sa soeur, Suzanne Barou de la Lombardière de Canson, celle-ci est déjà incinérée depuis plusieurs mois. L'antiquaire suisse, qui l'appelle pour lui annoncer cette mauvaise nouvelle, était un ami de Suzanne. Et il l'alerte car selon lui, quelque chose ne tourne pas rond : Suzanne est morte de la gangrène. Une maladie rarissime en 1987... et le Louvre vient d'acquérir Le Gentilhomme sévillan de Murillo. Une toile que Suzanne refusait de céder au prestigieux musée. Que s'est-il passé pendant les derniers mois de la vie de Suzanne ? Jeanne Deschamps consulte un avocat qui dépose tout de suite plainte pour vol et non-assistance à personne en danger. Les gendarmes d'Aix-en-Provence sont saisis. Et petit à petit, l'enquête de routine gagne de l'épaisseur. L'antiquaire suisse leur explique que madame de Canson était passée le voir peu de temps avant sa mort. Elle était accompagnée d'une femme, artiste peintre, Joëlle Pesnel, et d'un avocat toulonnais, Me Boissonnet. Deux personnes qui avaient fait fort mauvaise impression à l'antiquaire. C'est sous leur influence que madame de Canson semblait avoir décidé de lui retirer les toiles alors qu'elle l'avait auparavant chargé de vendre. Parmi elles, Le Gentilhomme sévillan. Et quand, un an plus tard, Louis Cellotti a reconnu le Murillo dans le catalogue de Christie's, il n'en a pas cru ses yeux. Le tableau n'appartenait plus à Suzanne, mais à une certaine Jeanne Chappuis, décédée à Genève en 1979. Le catalogue Christies estimait le tableau à 10 millions de francs. Mais curieusement, le marchand d'art a renoncé à la vente et cédé l'oeuvre au Louvre à moitié prix… Les enquêteurs découvrent que Jeanne Chappuis, la vendeuse "officielle", n'est autre que la grand-mère de Joëlle Pesnel, la dame de compagnie de madame de Canson. Une ex miss Toulon, qui signe ses toiles sous le nom de Candice Kandy ! Une femme dont personne, dans l'entourage de Suzanne, n'a jamais entendu parler… Pour les gendarmes, aucun doute, la succession Chappuis a été créée pour spolier la vielle dame. Reste à le prouver. Ils s'intéressent donc à cette Joëlle Pesnel et découvrent qu'en 1985, elle a vécu plusieurs mois au Grand Hôtel de Toulon avec madame de Canson. A partir de cette date, Suzanne n'a plus donné signe de vie à ses proches et son état n'a cessé de se dégrader. D'ordinaire assez coquette, elle apparaissait alors négligée, amaigrie. Jusque là intraitable en affaires, elle était devenue craintive et se reposait aveuglément sur sa dame de compagnie et son conseil, Me Boissonnet. Au personnel du Grand Hôtel, Suzanne a confié que madame Pesnel "lui faisait des misères". Mais à l'époque, personne n'a pris au sérieux les élucubrations d'une vieille dame. Du coup, sa mort, quelques mois plus tard dans la villa de Joëlle Pesnel et dans des conditions sanitaires étranges, trouble les enquêteurs. Ils perquisitionnent la maison, et placent Joëlle Pesnel en garde-à-vue, avant de l'écrouer pour vol, faux et usage de faux ainsi que non-assistance à personne en danger. Les aide-ménagères, qui ont travaillé chez Joëlle Pesnel, décrivent en effet des scènes de vie épouvantables : Suzanne de Canson séquestrée dans une chambre avec un simple matelas. Une femme que Joëlle Pesnel lavait au détergeant. Squelettique, affamée, il arrivait à la vieille dame de manger ses excréments ! Mais les services sociaux n'ont rien vu. Décrite comme une manipulatrice, faussaire à ses heures perdues, Joëlle Pesnel, qui prétendait s'occuper d'une vieille tante à la rue, a bluffé tout le monde. Son tempérament de feu suscitait autant de crainte que de sympathie. Pour autant, les enquêteurs ne croient pas qu'elle ait pu monter cette captation d'héritage toute seule. Me Boissonnet est lui aussi inculpé pour non-assistance à personne en danger. Et le témoignage d'une ancienne secrétaire les met sur une nouvelle piste. Celle d'un ténor du barreau, spécialiste des successions prestigieuses, Maître Paul Lombard. L'avocat est soupçonné de complicité de recel, et usage de faux en écritures. Dans la foulée, la justice inculpe aussi Pierre Rosenberg, conservateur au musée du Louvre, pour complicité de recel. L'affaire prend alors une dimension nationale. Les médias s'emparent de l'histoire. Le Canard enchaîné s'interroge : "Un avocat du calibre de Me Lombard pouvait-il ignorer que la succession Chappuis n'était qu'un grossier montage ?" La justice tranche finalement en faveur de l'avocat et de sa collaboratrice qui bénéficient d'un non-lieu. Tout comme Pierre Rosenberg, le conservateur du Louvre. Mais Joëlle Pesnel et Robert Boissonnet, eux, n'échappent pas à la condamnation. La dame de compagnie est accusée de vol, faux en écriture, extorsion de signatures et séquestration. L'avocat, de faux, escroquerie et non assistance à personne en danger. Ils comparaissent en octobre 1991 devant les assises du Var à Draguignan. Elle prend 13 ans de réclusion criminelle. Me Boissonnet écope de 4 ans dont un avec sursis. Quant au Gentilhomme sévillan, il est toujours exposé au Musée du Louvre. 1er étage. Salle 26.
(Source : http://f-e-a.probb.fr/t8785-174-suzanne-de-canson-l-heritiere-depouillee-11-11-2012).
Cinq années d'enquête ont été nécessaires à Mark Hunter, journaliste américain, pour mener à bien «Le destin de Suzanne». Un ouvrage qui raconte par le menu la fin de vie dramatique d'une vieille dame riche de quelques très beaux tableaux. «Les histoires où toutes les couches de la société se rencontrent sont rares», explique Mark Hunter, citant Tom Wolfe. Peu de gens, en effet, sont épargnés par un auteur qui a enquêté aussi bien dans le monde feutré du commerce d'art et des musées nationaux que dans les franges du milieu toulonnais. Il raconte, jour après jour, sur un rythme de thriller, l'enquête d'un petit juge confronté aux «puissants».
Le destin de Suzanne c'est l'histoire d'une vieille dame d'origine aristocratique - Suzanne de Canson - qui va mourir parce qu'elle possède des tableaux très rares, très convoités. Une vieille originale qui, malgré cet héritage de son père, n'a plus de domicile depuis longtemps et traîne avec ses Murillo et ses Watteau sous le bras d'hébergement en hébergement. Avec l'arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, elle s'affole et passe les tableaux en Suisse. Sans autorisation, bien sûr. A un douanier qui s'inquiète des rouleaux qu'elle dissimule vaguement, elle rétorque vertement. «Vous n'allez pas ennuyer une vieille dame qui transporte de la toile cirée...» Finalement, le joyau de sa collection, le «Gentilhomme sévillan», de Murillo, se retrouve un jour au catalogue des ventes de Christie's.
Elle est tombée, au début des années 80, entre les mains d'une ex-tenancière de bar toulonnais, Joëlle Pesnel, qui l'héberge et espère profiter de l'héritage grâce à des faux confectionnés par un avocat local. Un homme en qui Suzanne de Canson a une grande confiance...Sauf que la vieille dame finit par mourir de faim dans la chambre où Joëlle Pesnel la séquestre. Cette dernière quitte fréquemment son domicile pour tenter de vendre les tableaux, et néglige de nourrir régulièrement Suzanne. La vieille dame, qu'elle fait passer pour une tante un peu folle, finit par mourir en septembre 1986. Les témoins qui l'ont aperçue dans les derniers mois dépeignent un spectacle apocalyptique : devenue incontinente, la vieille dame se nourrit quelquefois de ses propres déjections...
Suzanne de Canson a une soeur qui porte plainte après sa disparition. Le juge Bernard instruit alors une affaire qui le conduit rapidement à enquêter chez des vedettes de l'establishment : Président directeur du Louvre, Pierre Rosenberg, qui incarne la protection du patrimoine national, et un avocat de renom qui guigne alors l'Académie française, Paul Lombard. Pierre Rosenberg, «le» conservateur vedette des Musées nationaux, sera inculpé, ainsi que Paul Lombard. Tous deux bénéficieront finalement d'un non-lieu, mais, à l'époque, à l'automne 1988, le scandale dans la République est considérable. Quant au Murillo il a fini dans les collections du Louvre, qui l'a accroché dans les salles de ses collections espagnoles.
Ce tableau a été «négocié» par les Musées français à la moitié de sa valeur environ. N'oubliez pas que le tableau était sorti de France sans autorisation officielle. Alors, quel grand musée dans le monde allait risquer de se brouiller avec le Louvre et les Musées nationaux en achetant le tableau ?... Quand Pierre Rosenberg et d'autres remarquent la toile, connue des services du Louvre - elle est même passée par les laboratoires de Magdeleine Hours et a laissé une trace dans les dossiers - ils n'ont qu'une idée, la faire rentrer en France. En accord avec sa direction, Pierre Rosenberg se rend donc à Londres, et commence à faire pression sur Christie's, qui n'est qu'intermédiaire dans l'affaire. Dans les formes, le tableau appartient à Mme Pesnel. La vieille maison de King Street, qui a versé 620 000 francs d'avance à Joëlle Pesnel, veut, évidemment, le vendre le plus cher possible. La commission est au pourcentage... Mais pas moyen pour Christie's d'éviter de le céder aux Musées nationaux, qui sont loin de disposer de moyens illimités, comme le Getty de Los Angeles, pour ne citer qu'un musée américain. En d'autres circonstances, Christie's aurait pu espérer le vendre pour au moins 9 millions de francs sur un marché en pleine flambée. C'est ici qu'intervient Paul Lombard, grand maître du barreau, protégé de Gaston Defferre, à un moment où le ministre de la Culture s'appelle Jack Lang. Lombard arrange un entretien avec le Louvre. Fin renard, le directeur des Musées de l'époque, Hubert Landais, sait tirer avantage de la situation. Il offre 5 millions de francs. Christie's et Paul Lombard ne protestent pas. Le Louvre accroche le tableau dans les salles de la collection espagnole...
Il en fait l'acquisition du vivant de Suzanne de Canson sans avoir vu de titre de propriété ! Quelques semaines plus tard, Joëlle Pesnel devient la bénéficiaire d'un testament authentifié dans des conditions douteuses. La présence, lors de la vente, de plusieurs hommes de loi comme conseils de Joëlle Pesnel a certainement dû rassurer les futurs acquéreurs. Pesnel sera finalement condamnée à treize ans de prison par le tribunal de Toulon. Mais, entre-temps, le «petit juge» a dû abandonner l'instruction. Il a été muté de Toulon à Lille...
C'est une histoire très évocatrice des années 80. Des conservateurs sont chargés par le président de la République de bâtir le plus beau et le plus grand musée du monde dans l'enceinte même du palais royal de jadis, le Louvre. En voulant accroître le patrimoine national, ils ont été tentés, de plus en plus, de recourir aux méthodes qui régissent le secteur privé. Comme disait le successeur d'Hubert Landais, Olivier Chevrillon, lorsque vous achetez un fauteuil chez un antiquaire, est-ce que vous vous préoccupez de savoir s'il a été volé dans un château d'Anjou ? Cette attitude est typique de l'époque. Comme on le sait, beaucoup d'hommes politiques se sont permis des écarts... dans l'intérêt du peuple.
(Source : Publié le 16/01/2007sur http://www.lepoint.fr/).
LA TORTIONNAIRE DE MME DE CANSON CONDAMNEE A 13 ANS DE RECLUSIONPAR LES ASSISES DU VAR : La tortionnaire de Mme de Canson condamnée à treize ans de réclusion.
La vieille dame riche avait été battue et affamée.
Un procès marathon portant sur un important détournement d'héritage aux dépens d'une vieille dame riche Suzanne de Canson, décédée dans des conditions sordides en septembre 1986, après avoir été dépouillée de ses tableaux de maîtres, s'est terminé dimanche avec la condamnation à treize ans de réclusion criminelle de la principale protagoniste, Joëlle Pesnel, 51 ans, reconnue coupable de séquestration et d'abus de confiance. Cette affaire a créé un scandale national en France en éclaboussant plusieurs notables du monde judiciaire et le gotha des musées nationaux français qui ont ensuite été mis hors de cause.
A l'issue d'un délibéré de treize heures, la cour d'assises du Var (sud-est de la France) qui jugait l'affaire depuis le 7 octobre a reconnu Joëlle Pesnel coupable également des chefs de faux en écriture privée et usage et extorsion de signature. L'aspect tragique de l'histoire est la mort d'une vieille dame riche héritière, décédée à 76 ans dans des conditions sordides dans la villa de Joëlle Pesnel après avoir signé un testament faisant de cette dernière présentée comme une «aventurière», son unique héritière. La cour a aussi prononcé une peine de quatre ans de prison (dont un avec sursis) à l'encontre d'un avocat, Robert Boissonnet, 62 ans, qui avait la confiance de Suzanne de Canson, pour faux en écriture privée et usage, et complicité d'abus de confiance.
Selon la défense de Pesnel, Suzanne de Canson qui avait toujours mené une vie «errante», avait été recueillie par Pesnel alors qu'elle était «sénile, incontinente et démente». La cour a, elle, retenu les témoignages implacables d'employés de maison de l'accusée qui se sont succédés à la barre, faisant état d'un vieille dame, enfermée dans sa chambre pendant les mois de janvier à septembre 1986, affamée et maltraitée, et ceux des médecins-experts qui ont établi que Mme de Canson était décédée des suites d'une «dénutrition forcée, associée à des mauvais traitements».
L'affaire avait commencé le 9 juin 1987, lorsque Jeanne Deschamps, aujourd'hui âgée de 86 ans, ayant appris la mort de sa soeur, Suzanne Barou de la Lombardière de Canson, avait porté plainte, «troublée» d'apprendre que Suzanne avait été incinérée trois jours après son décès, et que l'un de ses tableaux hérités de leur père, un portrait en pied de «Gentilhomme sévillan», de Bartolomé Murillo, avait été vendu au musée du Louvre.
L'enquête de la gendarmerie aboutissait à l'arrestation en juin 1988 de Joëlle Pesnel, alors présentée comme la dame de compagnie de la riche héritière, puis à celle de Robert Boissonnet en octobre 1988. C'étaient les prémices de «l'affaire de Canson» qui éclatait avec l'inculpation pour complicité de recel et usage de faux de Pierre Rosenberg, conservateur en chef du Louvre qui avait acheté le Murillo et de deux avocats conseils de Pesnel. Ils devaient ensuite bénéficier d'un non-lieu, de même qu'un notaire inculpé de complicité d'extorsion de signature. (AFP. Lundi 28 octobre 1991).
(Source : http://www.lesoir.be/).
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