Le Rhin


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Caractéristiques

Le Rhin était un navire de transport de type trois-mâts à hélice, de la classe "Isère", dite série des 1200 tonneaux. Sa coque était de fer et bois, selon les plans de Le Bouleur de Courtray. On appelait aussi ce type de navire "corvette-transport" ou "transport à batterie".  La classe Isère comprenait des navires aux dimensions de 73 mètres 32, par 12 mètres 90, par 7 mètres 47 (c), par 5 mètres 08 (tem), jaugeant 950 à 1200 tonneaux, pour un tonnage de 2685 à 2950 tonnes. Leur vitesse était de 7,5 à 9 nœuds en propulsion à vapeur, et de 11 nœuds en propulsion voile et vapeur combinées. L'effectif était de 153 hommes. la propulsion se faisait au moyen d'une hélice avec puits, et une machine à vapeur de type Mazeline ou Indret (Marne) de 150 à 163 chn, soit 363 chevaux, nécessitant 160 à 175 tonnes de charbon. Quant à la voilure, elle était de 1930 m², pour une autonomie de 2000 milles nautiques à 9 nœuds. L'armement d'origine prévu était de 4 x 12 canons NR3 ou canons obusiers.
Le Rhin est issu des chantiers navals de Rochefort. Sur cale en octobre 1854, le navire est lancé le 31 août 1855, et fut en service de novembre 1855 au 5 juin 1886, date à laquelle il est rayé des tablettes de la Marine.


le Rhin

Historique

En 1855, le Rhin effectue plusieurs voyages au départ de Toulon, vers la Crimée et à Milo, sous les ordres du capitaine de frégate de Valmont. En 1859, il effectue de nombreuses traversées entre la France, l'Italie et l'Algérie. Le 1er avril 1859, il est procédé, à Toulon, à l'installation de stalles, et le 27 avril 1859 le navire effectue le transport de batteries d'artillerie au départ de Marseille, et à destination de Gênes.
Le 8 décembre 1859, le Rhin appareille de Toulon pour la Chine, avec 109 passagers à son bord. Le 12 février 1860 il appareille du Cap, et effectue une escale à Singapour, en compagnie du Rhône, du 12 au 16 avril, avant d'arriver, toujours en compagnie du Rhône, le 29 avril à Saïgon.
Le 11 février 1862 il appareille de Saïgon, à destination de la France. Il arrive à Saint-Denis de la Réunion le 28 mai, et à Rochefort le 5 septembre 1862. Le 6 octobre 1862, il appareille de ce port pour Lisbonne et Alexandrie. Fin 1862, il est procédé à Toulon au montage de chaudières neuves.
En août 1863, le Rhin quitte Toulon pour les mers du sud et le Mexique. Du 3 au 4 février 1865, alors qu'il fait nuit et que le navire se trouve au mouillage en rade de Mazatlán, un violent coup de vent le pousse sur les rochers de l'île de Trestin. Gravement endommagé, le navire est remorqué sur San Francisco par la frégate la Victoire. Il quitte Mazatlá le 10 mars 1865 et arrive à San Francisco le 16 ou le 22 avril. Le 23 avril, il est pris en remorque par un bateau à vapeur américain, afin d'être dirigé sur l'arsenal de Martland, distant de 22 milles.
Le 26 décembre 1865, le Rhin fait une escale à Panama, où il décharge ses blessés les plus graves, afin que ceux-ci puissent rejoindre le Rolland qui se trouve à Colon, et repart pour la France, en descendant vers le cap Horn. En janvier 1867, il fait escale à Callao (Pérou), puis à Valparaiso (Chili) en mars, enfin escale à Rio de Janeiro du 3 au 9 mai, avant de regagner Toulon le 27 juin. Il débarque ses machines et ses chaudières. Il semble cependant qu'il soit placé en quarantaine. En effet, une lettre datée du 3 juillet 1867, de Monsieur de Saint-André (page 1, page 2), adressée à l'enseigne de vaisseau Paul Dechaulide "à bord du Rhin" (enveloppe), mentionne cet isolement : Je vous remercie de votre aimable lettre qui, je l'espère n'est point l'indice d'une longue quarantaine.
Le 23 février 1869, le Rhin appareille de Toulon à destination de Brest, sous les ordres du capitaine de corvette Ducouron-Lagoujine. Il arrive à Brest le 15 avril, et est désarmé et est placé en cale sèche afin de recevoir la machine et les chaudières de l'Allier.
En décembre 1871, le navire appareille le 15 décembre de Brest vers Toulon, sous le commandement du capitaine de frégate Bonamy de Villemereuil, afin d'y recevoir un convoi de forçats. Parmi eux un certain Baptiste, dit Comiac, ou Verdié, ou Castagné, qui avit été condamné le 13 avril 1869 par la Cour d'Assises du Lot à Cahors, à la peine de 20 ans de travaux forcés pour meurtre. Incarcéré au bagne de Toulon le 13 septembre 1869, il est détaché de la chaine le 31 janvier 1872 et est embarqué sur le Rhin. Le Journal du lot du 14 août 1869, en page 3, fait une relation détaillée de cette affaire.
Le navire embarque également 2 compagnies d'Infanterie de marine (les 5ème et 7ème compagnies du 3ème régiment). Il quitte Toulon le 31 janvier 1872 pour la Nouvelle-Calédonie, et emprunte le canal de Suez à l'aller. Il mouille en rade de Nouméa le 9 mai, après 105 jours de mer. Parti dans les premiers jours de juin, il emprunte le cap Horn au retour. Il arrive à Rochefort le 22 septembre ramenant 203 passagers. Un article du 25 septembre en donne une liste partielle, et la liste de l'état-major du bâtiment, précisant qu'il va être vérifié et mis en état d'entreprendre un nouveau voyage à Nouméa (peut-être dans le courant du mois de novembre). Le navire reste armé en vue d'un nouveau voyage annoncé en décembre, et entre au bassin à Brest le 16 octobre pour réparations.
Le 27 décembre 1872, le Rhin descend la rivière et se dirige sur Toulon, pour embarquer des forçats à destination de la Nouvelle-Calédonie. Ce sera le convoi de janvier 1873 (voir plus bas). A son retour, il est désarmé, rendu aux Directions, et ses officiers regagnent leur port respectif.
Le 21 avril 1875, la prochaine mise en réserve de 3ème catégorie concernant le Rhin est annoncée. Le 10 juillet, sa mise en réserve de 2ème catégorie est annoncée. Le navire entre en armement définitif le 2 août, en vue d'un départ le 1er septembre pour la Nouvelle-Calédonie et Tahiti. Pour ce voyage, son état-major recevra trois enseignes de vaisseaux supplémentaires, mais n'embarquera pas de pourvoyeur. L'aide-commissaire Pâris est désigné pour remplir les fonctions d'officier d'administration. Un article du 11 août donne la composition de l'état-major du navire. Il prendra en charge 20 déportés à Brest, puis 270 transportés à l'île d'Aix. Ce sera le 15ème convoi de déportés.
Fin septembre 1877, le Rhin arme pour essais. Le 25 septembre, embarquent le lieutenant de vaisseau Reclus, les enseignes de vaisseau Bled, Fririon, Ciszeville, et le médecin de 1ère classe Jean. Le 31 octobre, alors que le navire est armé en essais, le lieutenant de vaisseau Reclus ayant obtenu un congé d'un an, il est remplacé par son collègue Martin. Début novembre, le navire commence ses essais en mer, et début décembre, les essais terminés, il est mis en réserve.
Il se rend certainement ensuite sur Toulon, car deux articles du 15 mars 1879, annoncent l'armement dans ce port du Rhin le 15 du même mois, afin d'effectuer le transport des produits français destinés à l'exposition de Sidney. Le médecin de première classe Gardies embarque, et l'aide-médecin Chassériaud est désigné également pour ce voyage. Le lieutenant de vaisseau Cave embarque comme second et officier de choix. Embarque également le lieutenant de vaisseau Mullit de Villenaut, les enseignes de vaisseau, Guth, A-A-F Lefèvre, Vergé, Kernafflen de Kergos. Un article du 21 mai 1879 mentionne que le médecin de 1ère classe Cauvin, remplissant les fonctions de médecin-major sur le Rhin, aura pour mission d'étudier au pont de vue anthropologique, les races océaniennes et les races australiennes. Un autre article du même jour signale le départ du navire le 15 mai, et donne la composition de son état-major. Le 18 mai, le bâtiment fait relâche à Messine. Une dépêche du 26 mai annonce son arrivée à Suez. Puis du 2 au 3 juin il fait relâche à Aden, et arrive à Sidney le 3 août. En février 1880, le Rhin est toujours à Sidney, et un article donne quelques précisions sur le déroulement du séjour. Un nouvel article du 1er mai donne d'autres nouvelles du séjour, annonçant que fin juin, le navire devrait quitter Sidney pour Melbourne. Le 13 juillet, le Rhin quitte Melbourne, prenant la route du cap Horn pour rentrer sur Toulon. Le 16 novembre, il relâche à Oran, puis regagne Toulon. 
Début janvier 1881, le médecin de 1ère Cauvin est appelé à Paris pour rendre compte de sa mission scientifique.
Le 2 décembre 1884, à Toulon, on pousse activement les réparations sur le Rhin, en vue d'un voyagele 1er février 1885 à le Téunion et Madagascar.
En mars 1885, le navire appareille de Toulon. Il doit effectuer du transport entre Madagascar et la Réunion. Les batteries, la haute et la basse, sont pourvues de postes de couchage et de planches à sacs, en vue du transport de passagers.
Enfin le 5 juin 1886, le Rhin est condamné, et utilisé comme charbonnière et centre de station de torpilleurs à Lézardrieux, pour la Flottille de l'Océan, et ce jusqu'en 1910.                                            

Convoi de forçats de janvier 1873

Avant d'assurer le quinzième convoi de déportés vers la Nouvelle-Calédonie, le Rhin effectua le transport de 400 forçats issus du bagne de Toulon, et destinés au pénitencier de l'île Nou à Nouméa. A ce contingent de forçats sont joints 53 Communards condamnés aux travaux forcés. Il faut y ajouter quelques passagers libres, familles de transportés : la femme Auclair (demeurant à Toulon, quartier Sainte-Anne, maison Scias), la femme Petit (demeurant à Paris, 154 rue du Faubourg Saint-Antoine), et François Péré (domestique à l'hôtel de la Paix à Périgueux). Le 27 décembre 1872, le Rhin descend la rivière et se dirige sur Toulon, où il embarque 400 forçats à destination de la Nouvelle-Calédonie. Un article du 18 janvier 1873 relate un incident survenu pendant la traversée depuis Rochefort.
Le 27 janvier 1873 dans la soirée, sous les ordres du capitaine de frégate de Villemeureuil, le Rhin quitte Toulon, prenant la route du détroit de Gibraltar, qu'il passe le 5 février, et du cap de Bonne Espérance. Outre les forçats, il avait à bord 20 condamnés politiques, dont Lullier, selon les Tablettes des Deux Charentes. Un article du 15 janvier 1873 relate un incident lors de l'arrivée de ce dernier à Toulon. Le Rhin arrivera à Nouméa le 23 avril 1873.
Parmi les 53 communards condamnés aux travaux forcés, il y a Maxime Lisbonne, artiste dramatique. Il avait été condamné par le 6ème Conseil de guerre séant à Versailles le 4 juin 1872 à la peine de mort, peine commuée en travaux forcés à perpétuité par décision du 14 septembre 1872. Amnistié le 11 juillet 1880, il est rapatrié le 4 septembre 1880 sur le Navarin.
Jean Allemane (une rue de Saint-Etienne dans la Loire porte son nom), qui fait partie des 53 déportés nous raconte, dans Mémoire d'un Communard, des barricades au bagne, que le jour du départ, les forçats sont embarqués dans des chalands, traînés par un remorqueur, et qui viennent se ranger le long des flancs du navire. Leur montée à bord s'effectue par l'échelle, et ils défilent un à un devant le commandant et l'officier de quart. Le capitaine d'arme et les surveillants indiquent aux prisonniers les cages qui leur sont affectées. Les Communards sont placés à tribord, avec des condamnés de "droit commun", complétant une cage de 120 prisonniers, constituant douze plats. Le dernier plat comprend cinq communards et sept "droit commun". Dans chaque batterie, un canon à mitraille est braqué sur les cages. Le Rhin comporte 4 cages accueillant chacune environ 120 prisonniers.
Certains Communards condamnés, écoutant les "racontars", se bercent d'illusions et nourrissent de naïves espérances sur une prochaine libération, ou sur la vie qui les attends. Un nommé Chantereau, espérant beaucoup de la Nouvelle-Calédonie, n'en mourra pas moins à l'hôpital de l'île Nou, malgré tout ce qu'il attendait de son ami Gambetta.
Chaque déporté a reçu son paquetage, soit un sac marin, une blouse en toile grise, un pantalon de laine grise, une paire de godillots, deux chemises de grosse toile, un hamac et une couverture. Dans certains convois, il n'y aura qu'un hamac pour deux. Sur l'Orne, 412 déportés débarqueront même sans hamac (voir pièce 12 dans l'article consacré à la Sybille). A bord, une propreté rigoureuse leur est imposée, et tout manquement à ce principe entraîne de sévères sanctions.
Une journée ordinaire commence à 5 heures, avec le réveil, puis le café à 6 heures, suivi du lavage à grande eau du pont et des cages. Le déjeuner, constitué de biscuit de troupe, d'1/16ème de pain de munition, d'un bouillon, de haricots, et de 23 centilitres de vin, est servi à onze heures. Le souper, constitué d'un biscuit, d'une soupe au riz et d'1/16ème de pain de munition, est quant à lui servi à dix-sept heures. Les dimanches et jeudi, les forçats ont une soupe grasse, 250 grammes de lard, de viande ou de conserves. Ils peuvent cependant disposer d'un peu de vaisselle. Selon Jean Allemane, les repas ont cependant le même aspect que ceux du bagne de Toulon.
Le capitaine d'armes, Louis Dalloz, homme honnête, et bienveillant avec les prisonniers, surveille de près les agissements des surveillants militaires, et réprime sévèrement tous les manquements au service ou les abus d'autorité. Les surveillants s'en souviendront et règleront leurs comptes avec les prisonniers en arrivant en Nouvelle-Calédonie. Par contre, la discipline à bord est impitoyable avec les "fortes têtes", qui sont expédiés aux fers à fond de cale à la moindre incartade.
Le dimanche, un service religieux est célébré à bord, mais il n'est pas très fréquenté, et les déportés refusent de se mettre à genoux au moment de l'élévation.
Après cette présentation des conditions de vie à bord, Jean Allemane a aussi relaté la traversée. Le navire quitte Toulon et prend la route de Dakar. Alors que l'on approche du golfe du Lion, réputé pour ses tempêtes, au large des côtes espagnoles, 4 hommes à bord d'une barque se dirigent vers le Rhin et, arrivés à proximité crient : "Viva la Républica ! Amédéo fusilllado !" (cette invective se rapportant à Amédée de Savoie). L'officier de quart leur crie "Au large !" avec son porte-voix. La mer devient grosse et une tempête approche, ce qui oblige le navire à faire une escale à Almeria. Cela donne des idées d'évasion à certains, le mouillage ne se trouvant qu'à une heure à peine de la côte, mais la noyade est toujours possible, et les prisonniers savent que les "marsouins" n'hésiteront pas à tirer. De plus si l'évadé est repris, il finira le voyage à fond de cale.
A l'escale de Dakar, les pirogues tournant autour du Rhin par un soleil de plomb. Les indigènes plongent pour aller chercher au fond de l'eau des pièces de monnaie lancées par les passagers. Des colporteurs sont cependant autorisés à monter à bord et des achats se font par l'intermédiaire du commissaire. C'est aussi lui qui reçoit les lettres qui seront postées avant le départ. Pendant toute l'escale les sabords restent fermés et les surveillants sortent leur revolver au moindre mouvement d'humeur des prisonniers. Les pièces d'artillerie installées dans les batteries sont démasquées et tenue toujours prêtes à tirer.
Une fois le ravitaillement achevé, le Rhin lève l'ancre et reprend sa route, toujours sous une chaleur torride. Dans chaque cage, on est obligé d'installer un foudre, équipé de tétons, pour aspirer l'eau additionnée de vinaigre, afin que les détenus puissent étancher leur soif.
Jean Allemane relate un incident qui s'est déclaré aussitôt après le départ de Dakar. En effet, le lieutenant de vaisseau de La Ruelle s'est mis en tête de procéder à une fouille à corps de tous les prisonniers, afin de découvrir d'éventuelles sommes d'argent cachées, et qui pourraient servir à faciliter une évasion. Un descendant authentique du célèbre corsaire Jean Bart, prénommé et nommé lui aussi Jean Bart, doit intervenir pour faire cesser la mascarade.
Le passage de l'équateur donne toujours lieu à des réjouissances et divertissements divers. Cette fois-ci, c'est Neptune qui est le thème des cérémonies burlesques. L'équipage en profite pour régler quelques comptes avec les surveillants qui, toujours selon Jean Allemane, ont droit à un "régime de faveur".
Après ce passage de l'équateur, notre narrateur nous apprend que la mer est désespérément calme, sans un souffle de vent, ce qui oblige à mettre en route les machines, mais fait augmenter la température dans les batteries. Dans la cage de Jean Allemane, le foudre est à sec car le quartier-maître responsable de son approvisionnement a oublié de le remplir. La colère gronde est le capitaine d'armes est obligé d'intervenir, convoquant ledit quartier-maître pour connaître la raison du désordre et, celui-ci ayant avoué son oubli, il l'envoie aux fers.
Le scorbut fait des ravages à bord du Rhin (les 4/5ème de l'effectif selon Jean Allemane), et l'infirmerie est envahie de malades qui réclament des soins. Le médecin décide, pour éviter une contagion rapide, d'affecter un "suçoir" réservé aux malades. Mais c'est surtout la solidarité entre les prisonniers qui permet d'enrayer la propagation de la maladie. Le scorbut est définitivement éliminé par l'achat d'oranges lors de l'escale à Santa-Catarina au Brésil, escale qui dure plusieurs jours. Au vu de la longueur de l'étape suivante, et surtout des incidents qui ont eu lieu à Melbourne lors du précédent convoi, il n'est prévu aucun contact avec la terre jusqu'à Nouméa.
Après avoir doublé le cap de Bonne Espérance, le Rhin se dirige vers le détroit de Bass (voir itinéraire). Jean Allemane nous dit que l'équipage pêche le requin dans le Pacifique, mais que sa viande est peu comestible.
Le 22 avril 1873, la Nouvelle-Calédonie est en vue et le 23, le Rhin mouille dans la rade de Nouméa. Les premiers chalands arrivent pour le débarquement des prisonniers et pour Jean Allemane, ici commence l'enfer. Le 24 mai, le navire quitte Nouméa, et mouille en rade de Brest le 19 septembre, ramenant 95 passagers.
Parmi les 400 forçats de ce convoi, il y avait un certain Ambroise Lécole, originaire de la Nièvre, marié et père de 6 enfants. Terrassier demeurant à Paris, il est condamné en 1871 par la Cour d'Assises de Versailles à 8 ans de travaux forcés pour "s'être rendu coupable de vols, la nuit, conjointement avec plusieurs individus, dans des maison habitées ou servant à l'habitation, à l'aide d'escalade en effraction". Ambroise était un multirécidiviste, ayant déjà été condamné 6 fois, à Troyes, Saint-Gaudens, Avallon, Auxerre et Clamecy, pour vols, coups, braconnage ou rébellion, les peines allant de 8 jours à 6 mois de prison. Il s'adonnait aussi à la cueillette de plantes médicinales dans les bois de la Grange, près de Villeneuve-Saint-Georges ou les bois de Sainte-Geneviève, près de Saint-Michel, qu'il revendait aux Halles. Mais cette fois Ambroise et ses 3 complices vont littéralement dévaliser 3 habitations à Noisy-le-Sec en janvier 1870, se livrant, en plus du vol, à un vrai saccage et se livrent à une véritable orgie. Emprisonné à la prison de Pontoise, Ambroise dérobe à l'administration pénitentiaire 6 mètres de corde et un clou à crochets et des chaussons, dans le but de préparer une évasion. Il cherchait à s'évader pour aller commettre un vol important dans un château, selon l'un des détenus qui le dénonça, l'empêchant de concrétiser son projet. Une fois condamné, Ambroise est interné au Bagne de Toulon. Il est détaché de la chaine et embarqué sur le Rhin pour la Nouvelle-Calédonie.
Ainsi commença pour Ambroise Lécolle une nouvelle vie puisque, une fois ses 8 ans de travaux forcés effectués, il devait "doubler" sa peine en étant affecté dans une ferme pénitentiaire. Après cette seconde peine, le bagnard recevait une terre en concession. En outre l'Administration autorisait, et offrait même le voyage aller, à la famille qui voulait rejoindre son mari en Nouvelle-Calédonie pour s'y installer. C'est ce que fit la femme d'Ambroise et ses trois garçons. L'aîné des garçons, Auguste, épousa une condamnée, Rosalie Peyronnet, mais mourut en 1894, 2 ans avant la naissance de jumeaux, Ange Michel et Victor Louis. Flore Lécole, fille aînée d'Auguste et Rosalie, sort du pensionnat à 16 ans en 1900 et retourne vivre avec sa mère qui vit en concubinage avec Ange Louis Morelli, père des jumeaux cités plus haut. Ce dernier tombe fou amoureux de Flore et l'épouse en 1901. Rosalie décédant en 1904, Flore et son mari prennent en charge les enfants de Rosalie, en plus des 7 qu'ils auront ensemble, faisant de cette nombreuse fratrie à la fois des neveux ou nièces et des demi-frères ou sœurs. C'est un bel exemple de ce que l'on appela plus tard la colonisation pénale !...

Intinéraire du 
convoi de transportés arrivé le 23 avril 1873
 

15ème convoi de déportés 

Le Rhin entre donc en armement définitif le 2 août 1875. Pour ce voyage, son état-major recevra trois enseignes de vaisseaux supplémentaires, mais n'embarquera pas de pourvoyeur. L'aide-commissaire Pâris est désigné pour remplir les fonctions d'officier d'administration. Un article du 11 août donne la composition de l'état-major du navire. Il annonce également que le navire prendra en charge 20 déportés à Brest, puis 270 transportés à l'île d'Aix. Le médecin de 1ère classe Manson embarque en qualité de médecin-major. L'aide-médecin Borelly, et l'aumônier Lallemand, du port de Brest, embarquent également. La 28ème compagnie du 3ème régiment d'Infanterie de Marine, qui doit remplacer en Nouvelle-Calédonie la 33ème compagnie de ce régiment, embarquera à Rochefort sur le Rhin. Cette compagnie comprend 3 officiers (capitaine Jay, lieutenant Gaudé qui rejoindra par un autre transport, sous-lieutenant Grisot), 58 sous-officiers, caporaux et soldats. Le sous-commissaire colonial Latty, destiné à Tahiti, prendra place à bord du navire pour rejoindre sa destination. De même pour l'enseigne de vaisseau Porte, destiné à la station navale de Nouvelle-Calédonie, qui embarque à Brest.
Le 20 août, le Rhin est mis en rade à Brest, et le 23, la Commission médicale se rend à Saint-Martin-de-Ré pour visiter les 270 transportés devant embarquer.
Ce convoi conduit en Nouvelle-Calédonie, en plus du chargement des forçats destinés au bagne de l'île Nou, 2 Communards condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée, et 17 condamnés eux à la déportation simple à l'île des Pins. Les déportés quittent Saint-Brieuc pour Brest où ils embarquent sur le Rhin le 1er septembre 1875 . Le navire appareille aussitôt en direction de l'île d'Aix. Il y charge donc 270 forçats (400 selon certaines sources) du dépôt de Saint-Martin-de-Ré.
Le 6 septembre 1875, le navire lève l'ancre pour le grand voyage, et se dirige sur Dakar. Comme la plupart des convois, il fait relâche Ténériffe, du 17 au 18 septembre, puis à Dakar, et à Santa-Catarina au Brésil. Le navire se trouvant en relâche dans ce dernier port, dans la nuit du 9 au 10 novembre, les prisonniers tentent une évasion au moyen des barques indigènes. Mais cette tentative est déjouée et son principal meneur, nommé Leroy, sommé de se rendre, tourne sa rage vers celui qu'il estime responsable de cet échec. Croyant régler son compte à celui qui l'avait "vendu", le nommé Barbier, il tue son ami et complice Pezeux. La garde doit intervenir pour rétablir l'ordre, même si Leroy n'oppose aucune résistance. Mis en cellule, il semble désespéré. Tous ses complices pris en même temps sont punis. Un article du 8 janvier 1876 relate cette tentative d'évasion et ses suites.
Malgré cet incident, le Rhin arrive à Nouméa le 30 janvier 1876, après un voyage de 146 jours. Un article du 4 mars 1876 dit que le Rhin était à Nouméa le 17 février.
Le 20 octobre 1876, le navire est de retour à Toulon, et est de nouveau désarmé le 24 novembre.

Liste des condamnés à la déportation en enceinte fortifiée : François Oscar Bertin MARTIN, Louis Henry MOREAU.
Liste des condamnés à la déportation simple : Hector Louis Alexandre BLANCHET, François CHANVRIS, Antoine CHAUVET, Charles Xavier Joseph COLLIN, Henri Gustave de BEAUMONT, Jules Charles DESPOTTE, Léon Michel DUTAILLIS, Charles Paul FORMENTINI, Léonidas Joseph Hilaire FRAISSINET (ou FRAISSINES) dit Léon, Eugène GAYOT, Jean-Baptiste JEAN dit Villars, Pierre Victor LEMONNIER, Paul François PIGNOLET dit Pignole, Hyancinthe Amédée POIRIER, François Emile PONS, Théodore Barthélémy REY, Charles Adolphe SAVY.
(Pour tout renseignement concernant ces prisonniers, vous pouvez me contacter ici).
Pour les communards originaires du Finistère, vous pouvez consulter le site de Patrick Milan, pour ceux originaires d'Arcueil (Val-de-Marne), vous pouvez consulter le site d'Annie Thauront, avec également un article sur le député de la Guadeloupe Melvil-Bloncourt, condamné à mort pour sa participation à la Commune.

Sources :
- Déportés et forçats de la Commune : de Belleville à Nouméa, par Roger Pérennès, Nantes, Ouest Editions, 1991.
- Site Internet http://www.dossiersmarine.fr.
- Dossiers des navires au Centre des Archives d'Outre-Mer à Aix-en-Provence, séries H30 et H35.
- Courriel de Jacques Baillon du 6 août 2013.
- Tablettes des Deux Charentes de décembre 1871 à novembre 1884.
- Le messager du Midi des 15 janvier 1873 et 18 janvier 1873.
- Courriel de Cristel Castagné du 10 mai 2024.
- Journal du Lot du 14 août 1869.

Crédits photographiques :
- Déportés et forçats de la Commune : de Belleville à Nouméa, par Roger Pérennès, Nantes, Ouest Editions, 1991.
- Numérisations archives par Bernard Guinard.
- Photos envoyées par Claude Millé.
- Photo de Jean Allemane provenant du site de l'Assemblée Nationale.
- Collection Daniel Belloc (lettre du 3 juillet 1867).

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