Hubert de La Fressange, héros parmi tant d'autres, pour la Libération de la France

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Cet article est bien incomplet, par manque de documents, cet épisode de la libération de la France étant peu relaté, contrairement à d'autres. Le but n’est pas ici de faire un cours d’histoire sur la campagne de France en 1944, d’autres ayant brillamment évoqué cette période. Il est simplement de rendre hommage à l’un des nombreux français qui ont donné leur vie pour notre liberté, ainsi qu’à son unité, extirpant notre nation du joug hitlérien.

Hubert de La Fressange

Jean Marie André Hubert de Seignard de La Fressange, dit Hubert de La Fressange, nait le 20 février 1923 à Paris (XVIème arrdt), fils de Paul, marquis de La Fressange et de Simone Lazard (fille du célèbre banquier). Hubert était officiellement domicilié chez ses parents, 16 rue Oswaldo Cruz à Paris (XVIème arrdt), mais il n'y habitait qu'occasionnellement, afin d'échapper au STO. Il habitait en réalité 31 avenue de la République à Briançon (05).

A la libération de Paris, le 25 août 1944, Hubert s'engage pour la durée de la guerre, comme soldat de 2ème classe, au titre du 1er régiment de Marche de Spahis Marocains (RMSM) sous le n° de matricule 1625. Il faisait partie de la classe 1943. Son état signalétique et des services est assez succinct, compte tenu de la courte durée de ses services, puisqu'il est mort héroïquement le 2 octobre 1944, à 4h00 du matin, à Anglemont (88), moins de 2 mois après son engagement. Son dossier du Bureau des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (BAVCC) à Caen mentionne, comme genre de mort : rencontre avec l'ennemi.  En mention sur son acte de décès on peut lire : tué dans son AM au moment de l'action. Cet acte comportant des erreurs sur les noms de famille et l'adresse des parents, sera rectifié en août 1945.
Hubert de La Fressange, Mort pour la France, fut cité à l'ordre du Corps d'Armée à titre posthume, par ordre général n° 75 en date du 6 décembre 1944, signé du général de division Leclerc, commandant la 2ème Division Blindée : Jeune engagé qui, dès ses premiers combats, s'est imposé par son courage, son sang-froid et son enthousiasme. Attaqué dans la nuit du 1er au 2 octobre 1944 à Anglemont, par un ennemi très supérieur en nombre et en moyens, s'est dépensé sans compter, a trouvé une mort glorieuse à son poste de combat. Cette citation comporte l'attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil.
Il fut également décoré de la Médaille Militaire à titre posthume, par décret présidentiel du 4 janvier 1950, paru au Journal Officiel le 7 décembre1950.
Sa famille est avisée du décès par le maire du 16ème arrondissement de Paris le 17 novembre.
Hubert de La Fressange est inhumé dans un premier temps au cimetière de Rambervillers (88). Il repose maintenant dans un caveau du cimetière de Sénart, dans la commune de Draveil (91), commune où le château des Bergeries, actuelle Ecole de Police avait été la propriété de la famille Goldschmidt, ses arrière-grands-parents, et où son nom figure sur le monument aux morts. On trouve aussi son nom gravé à Paris, sur le monument commémoratif de la Place du 25 août 1944. A Valence (26), son nom est gravé sur une plaque commémorative du 1er régiment de Spahis. Et enfin à Anglemont, une stèle est érigée à la mémoire d'Hubert de La Fressange. Elle est située dans la commune, à l'endroit même où il tomba. Le 5 octobre 2014, une borne de la voie de la 2ème DB a aussi été inaugurée dans cette commune d'Anglemont. Une autre stèle se trouve dans le village, à côté de la Borne du serment de Koufra, avec une plaque à la mémoire des membres de l’équipage du char Champaubert, Morts pour la France.

Anglemont


Anglemont est un petit village du département des Vosges, en Lorraine. La commune, qui s'étend sur 5,9 km² à une altitude comprise entre 269 et 363 mètres, comptait 176 habitants au recensement de 2007. Elle est située à 4,6 km de Rambervillers, et à 23 km au nord-ouest de Saint-Dié-des-Vosges.

La 2ème DB

La 2ème Division Blindée (DB, ou Division Leclerc comme elle est aussi nommée) est, on le sait, l’unité avec laquelle le général Leclerc débarqua en Normandie pour libérer la France le 1er août 1944 à Utah Beach (Leclerc y est accueilli par le général Walker), participa aux combats du bocage normand, et c’est cette unité qui entra la première dans Paris le 25 août 1944, avant de progresser vers l’est, dans les Vosges, en Alsace, libérant Strasbourg, puis en Allemagne jusqu'à Berchtesgaden.
Le général Leclerc avait organisé sa division en trois Groupements Tactiques portant le nom de leur chef, les groupements Langlade (GTL), Dio (GTD), Warabiot (GTV). Le GTV fut finalement commandé par le général Billotte au début de la campagne, puis plus tard par le lieutenant-colonel de Guillebon. Il devait cependant garder son "V" (comme victoire) jusqu'à Berchtesgaden.
Le 1er RMSM constitue un groupement de reconnaissance, étoffé par de nouvelles unités, et forme le groupement Remy (GTR). Le colonel Jean Rémy sera remplacé par le lieutenant-colonel Roumiantzoff.
La première semaine de septembre la 2ème DB, rassemblée dans et autour de Paris, reçoit les engagements et procède à l’instruction sommaire des recrues volontaires qui affluent dans les unités, afin de combler les pertes subites depuis le débarquement. Trois compagnies de FFI recrutés dans Paris sont ainsi intégrées à chacun des 3 bataillons du RMT, et un escadron supplémentaire de spahis est créé. La division profite aussi de ce répit pour remettre en état son matériel.
Puis reprenant son mouvement vers l’est, la Division Leclerc est en couverture dans la Marne.

Le 1er RMSM

Le 1er RMSM était le régiment de reconnaissance de la 2ème DB, et ce depuis le Maroc en 1943. C'est donc lui qui se trouvait toujours à l'avant-garde, le premier en contact avec l'ennemi. Son commandant était le colonel Remy, avec pour adjoint le lieutenant-colonel Roumiantzoff. Le régiment était composé à l’origine de 5 escadrons de combat, un Etat-major et 1 escadron hors-rang.  Tout comme la 2ème DB, le 1er RMSM était équipé de matériel militaire américain.
Le 1er escadron du 1er RMSM est équipé de chars légers M3 Stuart. Quant aux 4 autres escadrons, ils sont équipés de 17 automitrailleuses M8 avec canon de 37 mm, ou M20 de 12,7 mm, 3 obusiers M8 Howitzer, et 5 Half-tracks, des jeeps, parfois amphibies. Un sixième escadron sera créé à Paris le 1er septembre 1944, puis un septième le 21 octobre, enfin un huitième le 20 novembre. Chaque escadron comprenait 3 pelotons de combat, équipés de 5 automitrailleuses M8 avec canon de 37 mm, un obusier M8, un half-track avec remorque blindée pour les munitions, et 4 jeeps, dont 2 avec mortier de 60.
Débarqué le 1er août 1944 à Omaha Beach le 1er RMSM participe aux combats d'Avranches, et à ceux de la libération d'Alençon, de Carrouge, d'Argentan, avant Paris le 25 août. Le 1er RMSM participe également au nettoyage de la capitale le 25 août, puis dégage la banlieue nord de Paris dans les jours suivants, avec les combats du Bourget du 27 au 29 août.
Le 11 septembre, les spahis du GTR traversent Colombey-les-Deux-Eglises (52), alors que ce même jour ceux du 5ème escadron font jonction avec des éléments avancés de la 1ère DFL près de Montbard (21), à Nod-sur-Seine. Le régiment combat ensuite dans les environs de Baccarat (88), avant la bataille des Vosges puis celle de l'Alsace. Le 1er RMSM est fait Compagnon de la Libération par décret du 7 août 1945, et fut cité deux fois à l'ordre de l'Armée.

 Opérations militaires 2ème DB septembre 1944

Après les combats de la libération de Paris, la 2ème DB avait été mise au repos du 29 août au 7 septembre. La division est installée au Bois de boulogne, où de nombreux jeunes viennent s'engager. Ce fut certainement le cas pour Hubert de La Fressange.
Après une courte période d'instruction, Hubert participe aux opérations militaires menées par la 2ème DB. Dans l'état actuel des recherches le concernant, rien ne permet de dire qu'il ait participé à toutes les opérations depuis le 25 août, mais on peut supposer qu’il a pris part aux combats de la Libération d'Andelot (52), le 12 septembre 1944, puis de Dompaire (88) le 13 septembre contre la 112ème Panzerbrigade. L’unité allemande perdra 59 chars sur 90, 21 canons détruits, et 500 tués dans cette journée du 13 septembre 1944.
Le 7 septembre, le général Leclerc recevait l'ordre de départ. La 2ème DB quitte Paris le 8 septembre pour traverser la Brie et la Champagne, afin de se regrouper le lendemain à Bar-sur-Aube (10), le terme officiel étant déplacement administratif. Sa mission est de progresser vers l'est, en couverture du flanc sud de la IIIème armée américaine du général Patton. La division est ainsi mise à disposition du général Haislip commandant le XVème corps d'armée.
Dans la journée du 11 septembre, Contrexéville est libérée, ce qui permet au GTL de libérer Vittel le 12, le GTV réduisant les défenses d'Andelot. Dans Vittel, Leclerc rend visite en personne à des civils anglais et américains, qui y étaient détenus depuis 1940 par les allemands, dans un grand hôtel de la station thermale.
Le 13 septembre les combats se déroulent dans la vallée de la Gitte, à Dompaire et Damas-aux-Bois, puis à Ville-sur-Illon. C'est une belle victoire avec la destruction de 60 chars ennemis sur 90 engagés. Leclerc autorise les fusiliers-marins du RBFM à porter à nouveau la fourragère de la légion d'honneur gagné à Ypres pour les récompenser du nombre de chars détruits par la précision de leurs tirs.
Le 15 septembre, la 2ème DB franchit la Moselle à Chatel-sur-Moselle (88). Le 19 septembre, la radio nationale diffuse un communiqué : Commentaire des nouvelles de la 2ème DB : une formation de la 2ème DB correspondant à l’effectif d’une brigade a détruit plus de 65 chars ennemis pendant les journées des 13 et 14 septembre dans la région de Dompaire.
A partir du 20 septembre, le commandement allié décide d’arrêter son offensive vers l’est. La situation est stabilisée. La 2ème DB se trouve alors à cheval sur la Meurthe (franchie le 23 septembre), face à Baccarat, déployée sur une ligne allant de la forêt de Parroy, tenue par les 44ème et 79ème Divisions d’Infanterie US au nord, jusqu’à Rambervillers, tenu par la 45ème division d’Infanterie Us au sud. La division développe une intense activité de patrouilles offensives dans ce secteur jusqu’à fin septembre.

Témoignage du général Compagnon : Nous reproduisons ici une partie d'un témoignage, paru sous le titre L'offensive en Lorraine et en Alsace dans Espoir n° 107 de juin 1996, qui permet de se faire une idée des circonstances dans laquelle évolue la division entre la libération de Paris, moment où Hubert de La Fressange s'est vraisemblablement engagé, et la bataille d'Anglemont, où il est mort avec certains de ses compagnons d'armes.
L'auteur de ce témoignage, le général Compagnon était officier de 4ème Bureau (Etat-Major de la 2ème DB), et commandait un escadron du 12ème régiment de Cuirassiers :
Dès Paris libéré, Leclerc est sous l'empire d'une nouvelle obsession, repartir au combat vert l'est, avec un objectif gravé dans son cœur et son esprit, à Koufra, le 1er mars 1941 : Strasbourg, dont la flèche de la cathédrale symbolise la fin de la libération de la France. A partir du 30 août 1944, regroupée dans Paris, la 2e DB se remet en condition opérationnelle : révision et remplacement des matériels, recomplètement des effectifs par amalgame de nouveaux engagés (environ un millier) au sein des unités existantes ayant subi des pertes, et addition de quatre compagnies FFI réparties dans les groupements tactiques de la Division Leclerc s'efforce, auprès des généraux de Gaulle, Juin et Koenig, d'arracher au plus vite sa Division à la capitale, à ses « délices de Capoue » et à son atmosphère délétère de grenouillage politique. Il veut reprendre le combat avec de l'Armée américaine, si possible au sein du 15e Corps d'armée du général Haislip et de la IIIe Armée du général Patton, généraux avec lesquels il s'est remarquablement entendu en Normandie. Il y réussit. Le 8 septembre 1944, la Division quitte Paris. Un seul problème est mal résolu : le ravitaillement en carburant vient de Cherbourg et est déficient, d'autant plus que priorité est donnée à Montgomery et à la 1re Armée US au détriment de la IIIe Armée US. Un seul des groupements, le GTL, a fait ses pleins et peut quitter Paris de suite, ainsi que le GTR (Romiantzoff) parce que moindre consommateur. Les deux autres (GTV et GTD) partiront donc échelonnés dans le temps. La 2e DB est articulée en quatre groupements tactiques :- 3 groupements analogues (groupement Dio-GTD, groupement de Langlade-GTL, groupement Billotte, ultérieurement de Guillebon-GTV) comportant chacun un régiment de chars (12e cuirassiers, 12e chasseurs, 501e RCC), un bataillon d'infanterie (I/RMT, II/RMT, III/RMT), un groupe d'artillerie (3e RAC, 40e RANA, 64e RA), et une compagnie de génie, un escadron de reconnaissance, un escadron de tanks-destroyers (RBFM), des services de santé, de transmissions, etc. Les groupements sont articulés eux-mêmes en sous-groupements mixtes (combinant chars, infanterie, génie, etc.) et détachements mixtes interarmes.
- Un groupement léger, à base d'éléments de reconnaissance (GTR), complété de chars, fantassins, etc.
Ainsi commence la participation de la 2e DB à la libération de l'est de la France qui va durer près de six mois et, pour la Division comporte quatre phases, dont la 3e (Saverne et Strasbourg), est le point d'orgue :
- Marche d'approche vers les Vosges, dont le terme est la victoire de Dompaire le 13 septembre 1944.
- Combats statiques au pied des Vosges, conclus par la victoire de Baccarat le 31 octobre 1944.
- Conquête du col de Saverne et charge sur Strasbourg, libéré le 23 novembre 1944.

- Bataille d'Alsace, conclue par la fermeture de la poche de Colmar le 8 février 1945.
Le 8 septembre 1944, Leclerc reçoit pour mission de couvrir le flanc sud du XVe CA-US (Haislip) dans sa progression vers l'est, de Montargis à la Marne au nord de Chaumont inclus, et ultérieurement d'attaquer en direction d'Epinal. En face, la 19e Armée allemande recule de Marseille vers Lyon, la Bourgogne, les Vosges, le Jura et le sud de l'Alsace. La 1ère Armée allemande se replie du centre de la France, pour éviter d'y être encerclée par les forces alliées venant de Normandie et du Sud-Est, et cherche à gagner la Lorraine où des unités venues d'Allemagne tentent d'organiser à la hâte une défense pour l'accueillir.
Leclerc lance en avant, vers Bar-sur-Aube et Vittel, les deux sous-groupements Massu et Minjonnet du GTL, couverts vers le sud par le GTR. Massu et Minjonnet poussent hardiment, bousculant ou contournant les résistances allemandes dont la destruction est confiée au GTV qui fera tomber celles d'Andelot le 12 septembre. Dans le même temps, le GTD couvre la progression en arrière, au sud de Châtillon-sur-Seine. Il prend liaison, le 12 septembre, avec des éléments de la 1re Armée française ayant débarqué en Provence le 15 août (unités du 1er RFM).
Ce même jour, cavalcadant cent kilomètres plus à l'est, le GTL libère Vittel le 12 septembre au matin. Leclerc est aussitôt sur place et visite un camp d'internement de citoyens britanniques installé depuis quatre ans. Le soir même, Minjonnet et Massu prennent contact, à Dompaire et à Damas - deux villages nichés dans la vallée de la Gitte qui coupe la route d'Epinal - avec des éléments blindés allemands surpris en plein mouvement par l'extraordinaire avance du GTL que Leclerc a projeté, en quatre jours, à 400 kilomètres de Paris. Il s'agit (ce sera connu après la bataille) des 111e et 112e Panzerbrigades, nouvellement formées avec des chars Mark V Panther et Mark IV neufs, et mis aux ordres d'un chef de blindés confirmé, von Manteuffel.
Les premiers coups échangés, le 12 au soir, montrent que l'adversaire rencontré est de taille. Leclerc et Langlade décident de faire face offensivement ; ce qui n'est possible qu'avec un solide appui aérien américain. Heureusement, le char d'appui aérien du colonel Tower, détaché auprès de la 2e DB, est (fruit de la bonne organisation en usage dans la Division) sur place à Dompaire, auprès de Massu. Le 13 dans la journée, les chars du 12e RCA, aidés des fantassins du II/RMT et des sous-groupements Massu et Minjonnet, bloquent les blindés allemands dans la vallée, où quatre interventions successives de l'Air Sup port US, dirigées par le colonel Tower y font un massacre de Mark V et Mark IV. Y participent les tirs précis des tanks-destroyers du RBFM. Au sol se livre une dure bataille de proximité, coûteuse pour les Allemands, mais aussi pour les hommes victorieux de la 2e DB. La journée se termine par un succès total du GTL. La 112e Panzerbrigade disparaît de l'ordre de bataille allemand, dans lequel elle est entrée moins d'un mois auparavant : 60 chars détruits sur 90 (Les Panther détruits portent des marques de sorite d'usine datées : 15 août 1944).
A compter du 20 septembre, le commandement allié arrête son offensive vers l'est et stabilise la situation. La 2e DB, à cheval sur la Meurthe, se trouve déployée sur une ligne nord-sud, face à Baccarat, depuis la forêt de Parroy tenue par la 79e DI-US de la IIIe Armée US, jusqu'à Rambervillers tenu par la 44e DI- US appartenant à la VIP Armée US venue du Midi par les vallées du Rhône et de la Saône, au sein du VIe Groupe d'armées (général Devers) dans lequel figure également la 1re Armée française (général de Lattre de Tassigny).
Les GT sont alignés en défensive face à des unités d'infanterie allemandes coriaces, mais sur des positions laissant des vides - qui ont d'ailleurs leurs équivalents du côté français. Leclerc prescrit une attitude agressive : patrouilles dans le no man's land, prises de prisonniers, recherche de renseignements, en dépit des intempéries, des mines et des tirs efficaces de l'artillerie allemande.
Dans cette situation statique, peu appropriée pour une division blindée à vocation mobile, Leclerc reste actif et secoue tout son monde. Il pousse l'instruction et l'amalgame des jeunes engagés, visite les unités, parcourt le terrain, observe et réfléchit. Il garde à l'esprit la reprise de l'offensive, avec, en fond de tableau, la cathédrale de Strasbourg.

La bataille d'Anglemont

D'après le compte-rendu des oprérations rédigé le 4 octobre 944 par le lieutenant-colonel de Guillebon (page 1, page 2, page 3, page 4, page 5, page 6, page 7) :
Le 29 septembre, le chef de bataillon Putz reçoit l'ordre de faire appuyer l'attaque américaine sur Rambervillers, sans s'engager lui-même. Cette attaque, qui devait avoir lieu le 29 à 17h00, a été reportée au 30 au matin. L'artillerie américaine pilonne Rambervillers, tandis que la bataillon FFI progresse, venant su sud-ouest, pendant que les FFI locaux venant de Roville progresse au nord-ouest.
Les combats sérieux reprennent le 1er octobre entre Rambervillers et Baccarat, et le sous-groupement Putz, du GTV, enlève Anglemont et franchit la D 435 à midi. Dans la nuit, deux bataillons allemands appuyés par des chars de la 111ème Panzerbrigade reprennent Anglemont. Le sous-groupement Putz reprend le village le 2 octobre, au prix de durs combats.
Le sous-groupement, agissant en éclaireur de la division, a fractionné ses troupes en 2 éléments :
-- Au sud, sous le commandement du capitaine Wagner, la C. A., la compagnie FFI Piquet, la section de chars légers Rodel et le peloton de T D Gelinet progresse très difficilement à partir du bois de la Grande Coinche, car la pluie a rendu le terrain très spongieux et a fait disparaître les sentiers forestiers. Après plusieurs itinéraires tentés, le capitaine Wagner utilisera un chemin plus au sud et n'arrivera que vers 17h00 à la ferme des Tribuns, son objectif initial.
-- Au nord, le 1er élément est constitué en tête du peloton, des spahis Gendron et de la section du Génie de l'adjudant-chef Cancel, suivis de la 2ème compagnie du 501ème régiment de Chars de Combat (RCC du capitaine de Witasse), et de la IIème compagnie (lieutenant Comte) par section jumelée. Le chef de bataillon Putz a avec lui la 32ème Batterie d'Artillerie (capitaine Razy).
Le mouvement démarre comme prévu à 9h00 précise de Xaffervillers. Aucun incident ne se produit jusqu'à Doncières qui est atteint à 9h30, et où des tirs de mitrailleuses ennemies sont essuyés au sud-est. La progression se fait très rapidement à la lisière des bois de la Grande Coinche. L'artillerie ennemie réagit sans succès.
L'élément Spahis (Gendron), Génie (Adj-chef Cancel) et le jumelage Char (Lt Lacoste) Infanterie (Lt Franjoux) file sur Anglemont et surprend complètement la garnison, faisant 40 prisonniers à 11h00. Le reste de la colonne fonce sur la route de Ménil et arrive à la maison forestière, coupant la retraite aux éléments ennemis qui se trouvent dans les bois, faisant au moins 30 morts et une centaine de prisonniers. Un bouchon est installé sur la route de Ménil, les sections de chars et d'Infanterie étant installés de part et d'autre, tandis que le peloton Spahis et la section de Génie tiennent le village d'Anglemont. La réaction ennemie intervient assez vite. La maison forestière fait l'objet de tirs de Nebelwerfer, tandis qu'Anglemont reçoit des tirs d'artillerie.
La nuit est à peu près calme, jusque vers 2h00 du matin, où l'ennemi déclenche un violent tir d'artillerie sur Anglemont, puis après sur la lisière de la forêt où se trouve le PC du sous-groupement. Vers 5 heures, on entend des bruits de chars, et 5 blindés sont aperçus dans les lueurs du village en proie aux flammes. Le village est encagé de tirs de mitrailleuses à balles explosives, et le détachement d'Anglemont fait l'objet d'une attaque en force. Le lieutenant Gendron demande du renfort, mais il a tellement plu que les TD ne peuvent démarrer de l'endroit où ils se trouvent. L'ordre de repli est donné au Lieutenant Gendron. Le Génie décroche en bon ordre, et les Spahis, qui ont deux voitures en panne, sont durement accrochés. Un élément de la IIème compagnie (Adj-chef Molia) est bloqué en lisière de forêt, embourbé! Les liaisons avec le GTV et l'Artillerie sont très mauvaises du fait des conditions atmosphériques et de la forêt. Ainsi le tir de barrage sur le carrefour au nord d'Anglemont ne pourra intervenir qu'avec 1/2 heure de retard. Le peloton de Spahis peut enfin se retire sur la maison forestière, mais les effectifs manquants sont nombreux, dont le lieutenant Gendron.
Au lever du jour, 5 chars allemands et des véhicules blindés sont aperçus se repliant vers Nossoncourt. Une patrouille composée de Spahis, d'éléments de la section de Génie et de la section d'Infanterie Hebert reçoit l'ordre de retourner au village pour voir s'il est occupé par l'ennemi, rechercher  les disparus et tenter de récupérer le matériel.
Au cours de cette action, l'aspirant Delahaye (2ème peloton du 3ème escadron du 1er RMSM) est tué, et le lieutenant Hebert, du II°/RMT, est blessé. Les éléments français occupent la partie sud-est du village, tandis que l'ennemi occupe la partie haute avec des chars.
Le colonel commandant le GTV donne l'ordre d'occuper Anglemont. Ainsi le C.A. se porte en lisière du bois pour appuyer la progression et tenir cette lisière avec la compagnie FFI. La section Michard (2°/501) et la section de l'adjudant Bonaldi (qui a remplacé le lieutenant Hebert), se portent sur Anglemont où ils engagent le combat. L'artillerie allemande entre alors en action, pilonnant les positions de la C.A. et la route située en arrière de la maison forestière, et causant de sérieuses pertes. 2 Panther sont détruits par la section Michard, appuyée par le peloton de TD Gelinet, qui est envoyé en renfort. Un troisième char est mis hors de combat. Au nord-ouest d'Anglemont, 2 Mark IV sont également détruits, l'un par une automitrailleuse qui est embourbée, l'autre probablement par l'Artillerie. Une section de FFI est envoyée en renfort sur Anglemont et arrivera pour achever le nettoyage.
La relèves est assuré par les américains, qui décident de ne pas tenir Anglemont, et les effectifs du sous-groupement en sont repliés à la tombée de la nuit le 2 octobre.
Au cours de ces opérations, le GTV a capturé 400 prisonniers et tué 200 ennemis. Le total des pertes matérielles infligées à l'ennemi est augmenté de 2 anti-chars, 3 camions dont 2 récupérés par le TD, 2 voitures légères et 1 automitrailleuse.

Le journal de marche du GTV indique, comme bilan,  pour cette journée du 2 octobre 1944 : 14 tués, 20 blessés, 10 disparus dont 3 dans le peloton Gendron.
Parmi les 18 tués, on compte le capitaine André Geoffroy, le capitaine René Dubut, du II/RMT, décédé le 30 septembre 1944, le maréchal des logis Xavier Marck du 1er RMSM, décédé le 1er octobre 1944, et pour la journée du 2 octobre 1944, l’aspirant Philibert Delahaye, le maréchal des logis chef Maurice Gilbert chef d'une AMM8, le spahi Hubert de La Fressange, le spahi Jean-Louis Lang, le spahi Yvan Mahou, pour le 1er RMSM, les soldats de 2ème classe Jean Keruzoré, René Panagoulos (Panat) et Marcel Salvani, pour le  III/RMT, et l’équipage du char Champaubert, constitué de Jean Gordot (ou Jean Privé, 20 ans) le chef de char, soldat de 1ère classe, Léo Jouhet (33 ans) le pilote, soldat de 1ère classe, Roger Norcy (23 ans) le tireur, caporal, Georges Renou (18 ans et demi) l’aide pilote, soldat de 2ème classe, et Roger Thomas (23 ans) le radio chargeur, soldat de 2ème classe.
Parmi les blessés, il faut compter on l'a vu le capitaine Wagner, le lieutenant Hebert, mais aussi le capitaine Luc et le lieutenant Soulivet de la compagnie FFI, Quant au lieutenant Gendron il est porté disparu et a vraisemblablement été fait prisonnier.
Pour ce qui est du matériel, 1 Jeep, 1 moto et le M4A2 n° 24 CHAMPAUBERT (1er peloton de la 2ème compagnie du 501 RCC) sont détruits et irrécupérables, tandis que 2 jeep et 2 AM paraissent récupérables.

Extrait d'un texte intitulé IN MEMORIAM, parus dans Caravanes n° 95, octobre 1949 :
Je viens de relire leurs noms ; l’une après l’autre j’ai revu leur physionomie. Au fur et à mesure je me souvenais d’un dernier entretien, du moment où nous les avions vu partir, celui, où, le cœur serré, nous devions les retrouver déjà sans un mouvement, ou bien les revoir encore, tous, si magnifiques dans leurs dernières souffrances. Ceux aussi que nous avions cherchés et pas retrouvés.
Ils sont dix-sept, de ce quelque peu légendaire 2e Peloton à y être restés ». Ce qui a été réalisé, ces villages, ces bourgades, ces capitales libérées, c’est à eux aussi qu’on le doit. Ce que les survivants ont pu accomplir encore, c’est à eux également qu’ils sont redevables.
Dix-sept « calots rouges ». Dix-sept jeunes pleins de vie, d’ardeur et de vie.
Dix-sept, pour qui des êtres chers ont depuis versé des larmes d’un pénible chagrin.
…/…
Plus tard, c’est la campagne des Vosges, avec Anglemont, que le seul 2e Peloton tint pendant une journée et une nuit, malgré les attaques furieuses et répétées de tout un bataillon de panzer, fraîchement arrivé en ligne. Là nous devions perdre l’impétueux GILBERT, le si jeune Yvan MAHOUX, et ce vrai type d’Alsacien qu’était MARK.
A la nuit tombante, durant sa faction, de La FRESSANGE est blessé. Il devait mourir quelques instants après dans ma Jeep, durant son transport à l’ambulance.
Le lendemain, c’est la patrouille de l’Aspirant DELAHAYE.
Ensemble, la veille, nous avions encore traversé sans encombre un champ de mines ennemi. Ce matin-là il me demande simplement de lui passer une tranche de pain et du chocolat, et il s’en va… Mon ami Jean-Louis LANG insiste pour prendre ma place et l’accompagne…
C’est d’eux, qu’à propos d’Anglemont, le Colonel PUTZ put dire plus tard dans son compte rendu : « cette poignée de braves ».
…/…
Non, ils ne sont pas oubliés, et le silence même dans les pages de leur revue, n’est parfois, qu’une méditation impuissante à se traduire. Vous tous qui « en êtes revenus », n’est-ce pas par eux que vous vivez parfois, plus intensément ? N’est-ce pas leur foi que vous cherchez à reprendre en vous posant parfois aussi cet angoissant pour quoi ? Mais que tous se souviennent d’eux, ceux qui les ont vus, ceux qui ne les ont pas connus : qu’on sache qu’eux n’ont pas compté les obstacles, qu’ils n’ont pas marchandé leurs vies, mais qu’ils ont TOUT donné, parce qu’ils voulaient que d’autres vivent, que tous vivent heureux et confiants.
La fidélité du souvenir envers eux est un devoir sacré.

Extrait de l'ouvrage Les régiments de chars de la 2 ème BD, par François de Lannoy, racontant les combats d'Anglemont :
Le 1er octobre, le GTV, commandé depuis le 21 septembre par le colonel de Guillebon (suite à des différends avec Leclerc, Billotte a quitté la 2ème DB pour prendre le commandement de la 10ème DI en cours de formation. Cette grande unité sera engagée dans le cadre de la 1ère armée du général de Lattre), reçoit la mission d'appuyer l'attaque menée par la 45th Infantry Division en direction de Baccarat en progressant du nord-est au sud-est de la région de Roville-aux-chênes-Xafévillers avec pour objectif la route Rambervillers-Baccarat. Sont engagés dans cette opération le sous-groupement Putz (jusqu'ici tenu en réserve) avec la 2ème compagnie (capitaine de Witasse) et le sous-groupement Cantarel avec les 1ère et 4ème compagnies. A l'aile gauche (nord), le sous-groupement Putz quitte Damas à 7 heures du matin pour Roville-aux-Chênes où il parvient sans encombre à 8h30. A 9h30, le détachement Buis commence sa progression vers le sud-est en direction de Rambervillers afin de couvrir le sous-groupement Putz qui opère plus au sud. Au même moment, le détachement de Gavardie se dirige vers la route de Baccarat. Cette dernière est atteinte à 13h30 par les deux détachements. La résistance a été faible et le sous-groupement déplore la perte de 5 hommes (dont 2 tués). Une vingtaine d'allemands sont tués, 2 camions et 2 motos détruits. Le 2 octobre à 17h00, le sous-groupement, relevé par la 45th Infantry Division, reçoit l'ordre d'occuper Doncières et Roville-aux-Chênes. Au moment où ses différents éléments s'installent à Doncières, le village est pris à partie par l'artillerie. Le détachement Buis livre un bref combat contre des blindés qui se solde par la perte du Massoua II, Sherman de la 3ème section de combat (1ère compagnie). A l'aile droite (sud), le sous-groupement Putz (avec la 2ème compagnie) se heurte à un solide bouchon établit à Anglemont (nord-est de Rambervillers) où des combats acharnés vont se livrer. Anglemont est abordé à 12 heures par les chars de la 2ème section de combat de l'aspirant Lacoste, soutenue par les fantassins du RMT. Le village est mis en état de défense lorsque, le 2 octobre vers 2 heures du matin, il fait l'objet d'une attaque en règle. Des combats au corps à corps se déroulent dans le village qui est en flammes. A l'aube du 2, les fantassins se replient. Mais à 10 heures, ordre est donné de reprendre le village. Le capitaine de Witasse confie cette mission à la 1ère section (lieutenant Michard) qui sera appuyée par les canons des chars des 2ème et 3ème sections et par l'artillerie. Les chars du lieutenant Michard (le Montmirail, le Romilly, le Montereau II, l'Arcis-sur-Aube, et le Champaubert), stationnés sur les hauteurs entourant Anglemont, en lisière de forêt, devront dévaler à toute vitesse par la route et profiter de la surprise pour pénétrer dans le village et le nettoyer. L'attaque démarre à 11 heures. Le tir massif d'artillerie fait son effet et oblige les chars allemands à se disperser. Les Sherman du lieutenant Michard se rapprochent rapidement des premières maisons d'Anglemont.

Témoignage de Pierre Coatpéhen (page 1, page 2, page 3), tireur du Romilly : Nous entrons dans le village sans la moindre réaction des allemands, se souvient . Dès que les fantassins mettent pied à terre, 2 sont tués par un fusil-mitrailleur posté à la fenêtre d'une maison juste en face du Romilly, à une centaine de mètres. Comme je surveillais cette maison, ma réaction a été rapide. J'envoie un 75 explosif dans la fenêtre, accompagné d'une rafale de mitrailleuse de 30. Je pense qu'ils ont eu leur compte et j'arrête le tir. Aussitôt, les fantassins rentrent dans la maison et jettent par la fenêtre le corps de deux allemands, ainsi que le FM (fusil-mitrailleur). Tout est calme maintenant, pas un signe de vie […].
Le lieutenant a été faire une reconnaissance à pied dans une ruelle toute proche et nous appelle, André Peseux (chef de char) et moi. Il nous dit : "Dans cette ruelle à gauche, il y a un barrage d'arbres qui, je pense, doit être tenu par une mitrailleuse et un bazooka. Peseux, vous descendrez à terre pour guider le pilote, vous, Coatpéhen, tourelle arrière. Dès que vous apercevrez le barrage, arrosez-le à la mitrailleuse et à l'explosif". C'est ce que j'ai fait, ainsi qu'aux alentours du barrage. Quelle chance, aucune réponse de l'ennemi!
Comme c'est calme en face, je fais tourelle à droite en direction du centre du village […]. Il y a des buissons autour de nous, je les arrose copieusement à la mitrailleuse, car je crains un jet de grenade dans la tourelle toujours ouverte […]. J'aperçois alors des Allemands qui font un va-et-vient dans une maison à environ 150 mètres de nous. Je les allume au canon et à la mitrailleuse. Ils tombent comme des mouches, que c'en est un régal! Mais que peuvent-ils bien faire dans cette maison? Malgré leurs tués, ils continuent leur va-et-vient. Je les arrose de bon cœur voulant venger l'adjudant Caron, notre chef de char tué à Paris.
André Peseux monte alors sur le char et me dit : "Alors Peter, çà va?" A peine avait-il dit ces mots que j'entends comme une plainte de sa part, je regarde là-haut, André n'y est plus, il a dû être touché. Mon devoir est de lui porter secours, mais comment faire? L'Allemand qui l'a atteint est toujours en position de tir. Si je sors de ma tourelle, il m'allumera moi aussi. Pour l'éprouver, je sors mon casque et l'élève légèrement au dessus de la tourelle. J'ai bien fait! J'entends aussitôt un coup de fouet : une balle transperce mon casque. Avant que l'allemand ait eu le temps réarmer, je bondis hors du char pour constater qu'André est blessé à la cuisse et perd beaucoup de sang. Je lui fais un garrot de fortune et dis à un fantassin d'aller prévenir le lieutenant […].
Maintenant, mon problème est de remonter dans le char. J'y parviens en plongeant d'un bond à l'intérieur de la tourelle. L'Allemand me rate de peu. Je recommence à tirer de plus belle, puis, en marche arrière, Romilly se met à l'abri derrière une maison et j'en profite pour observer ce qui se passe. Je m'aperçois avec soulagement que notre ami André Peseux a été évacué […]. Dans une grange, nous apercevons un char allemand, au centre du village, à environ 200 m. Nous reprenons alors notre position, à défilement de tourelle. Je cherche à allumer le char, hélas, je ne le vois pas dans ma lunette de tir. Je tire au jugé mais sans parvenir à le toucher. Lui aussi, je pense, nous a repérés. Ses obus passent tout près de la tourelle et son tireur fait comme moi : il tire au jugé"
(Cité par Jacques de Witasse, dans L'Odyssée de la 2e compagnie de chars de la France libre, Editions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, 1990, p232-234). A 11h30, alors que les combats se poursuivent dans le village, le Champaubert, un des trois entré dans Paris dans la nuit du 24 au 25 août, est touché et tout son équipage tué. A 12h30, le village est tenu et plusieurs Panther sont détruits. Des renforts d'infanterie sont aussitôt envoyés. A 17h30, la 2ème compagnie est relevée par l'infanterie américaine et rejoint Rambervillers. Au cours de cette opération, la 2ème compagnie déplore la perte d'un char, 5 tués et 6 blessés. Elle a détruit 3 Panther, un Panzer IV et un canon antichar. Selon le communiqué officiel, elle aurait mis hors de combat 225 hommes et capturé 300 prisonniers. Commencée sous de fâcheux hospices, écrira plus tard la capitaine de Witasse, l'opération d'Anglemont laisse cependant un souvenir exaltant. Pour la première et unique fois durant toute la campagne, la 2ème compagnie, en entier, a manœuvré sur le terrain, il est vrai très favorable. Il est rarissime de pouvoir exécuter au combat ce qui vous a été enseigné dans les camps en temps de paix […]. Ce jour-là, la 2ème compagnie démontra son parfait entrainement. Quelques jours plus tard, au cours d'une réunion, Leclerc adressa ses chaleureuses félicitations au capitaine de Witasse pour la réussite de cette attaque.
Après les combats de Doncières et d'Anglemont, le 501ème RCC part au repos jusqu'à la reprise des opérations le 31 octobre.


Recherches à Anglemont

Lors d’un passage dans ce secteur avec mon épouse, en cherchant la stèle à la mémoire d’Hubert de La Fressange, nous rencontrâmes une dame âgée. Nous l’avons questionnée sur l’emplacement de la stèle, ainsi que sur les événements de cette journée du 2 octobre 1944. Cette personne, Madame Thomas, petite fille à l'époque, et descendante de la famille Grenier, nous expliqua : nous avons passé presque un mois dans les caves. Puis elle nous a raconté qu’une dizaine de soldats français étaient arrivés en fin d'après-midi à Anglemont, qu'ils avaient été reçu chez ses grands-parents : On leur a fait à manger, ils ont dîné et passé la soirée à la maison et le lendemain, ils ont presque tous été tués

Deux jours plus tard, nous prenions contact avec Monsieur Capdet, maire de la commune, qui nous dit avoir cherché des documents dans les archives municipales, lors de son arrivée à la mairie en 1995, mais n'avoir rien trouvé. Il nous renvoyait vers "la mémoire du village", Monsieur Rémy Pierre, qui avait 12 ans en octobre 1944. Ce Monsieur nous confirmait les dires de la de madame Thomas, nous précisant que le groupe auquel appartenait Hubert de La Fressange, avec le char Champaubert était dans le village en éclaireur de la 2ème DB. Ils se sont trouvés confrontés à des éléments importants d'une Panzer Division, dont un char au moins était caché dans une grange faisant face au lieu où est tombé Hubert. L'appui français n'étant venu que plus tard, "ils ont été décimés".

Témoignages sur les combats d'Anglemont

Parmi les effectifs du 3ème escadron du 1er RMSM, l’Ordre de la Libération, cite Sigismond Blednicki, dont le peloton est attaqué par des forces très supérieures en nombre et en matériel. Dans son secteur, il stoppe l'attaque allemande par son feu et par sa manœuvre. Ayant reçu l'ordre de décrocher, il anéantit de sa propre initiative une infiltration destinée à isoler le peloton, tuant et faisant prisonnier 20 Allemands et détruisant 2 mitrailleuses. Le chef de peloton et son adjoint étant mis hors de combat, il prend le commandement du peloton, le regroupe sous le feu de l'ennemi et ne laisse aucun véhicule entre les mains de l'adversaire.

Sur le site de la Fondation Leclerc, on trouve ce récit de la bataille d’Anglemont, à propos de la 2ème compagnie du 501ème RCC le 2 octobre 1944 : A 2 heures du matin, des tirs d’artillerie très nourris s’abattent sur ANGLEMONT. Les spahis demandent du secours par des fusées de détresse, et au petit jour ils se replient. L’ennemi contre-attaque avec des Panzers et réoccupe le lieu. La 2ème Compagnie du 501 RCC repart à l’assaut. D’autres chars ennemis débouchent de l’Ouest, mais sont arrêtés vers 11h30 par nos tirs d’artillerie bien réglés. A 17h30, la bataille est finie et les américains effectuent la relève et la 2ème Compagnie du 501ème RCC rentre  à coté de Roville aux Chênes.
Les pertes se chiffrent chez l’ennemi à plusieurs chars et 2 antichars détruits, 225 tués et 300 prisonniers. Chez nous le CHAMPAUBERT est touché, et il y a 5 tués.

On trouve sur ce même site de la Fondation Leclerc, le récit de la bataille d'Anglemont, avec croquis, dont l'auteur est Pierre Coatpehen, le tireur du char Romilly, cité plus haut.

Gaston Eve, du 501ème RCC, raconte également dans son journal : Le premier Octobre, nous sommes partis sur Rambervillers dans un terrain très boisé. La guerre était devenue très amère et sans pitié, bien qu'il n'y en ait pas eu beaucoup jusqu'à présent. Comme avant, dans la forêt c'était le temps d'essai pour les chars. Nous étions de nouveau sur la route jusqu'à ce que quelque chose nous arrête. Si vous êtes le char de fil, ce portait (sic) juste malchance. Le temps était humide mais il ne faisait pas froid. Le terrain très boisé ne nous convenait pas tellement, mais il fallait passer par-là ! La compagnie a manœuvré et progressé dans les bois et par les lisières vers Anglemont. A un moment, nous nous sommes arrêtés et il y avait des officiers américains. Comme ils parlaient avec des officiers français, je suis sorti du Montmirail en cas de difficulté de langage. Un des Américains parlait français. Il était très impressionné par notre tactique et notre progression. En me parlant en anglais, ils m'ont dit que notre attaque avait été «Superb, absolutely superb».
Nous étions arrêtés par un bois épais qu'on ne pouvait traverser que par la route coupée par une barricade d'arbres abattus, sur 50 mètres. Il fallait assurer le dégagement nous-mêmes et le Lieutenant Michard a demandé un volontaire par char. Cinq d'entre nous se sont présentés; je représentais Montmirail. Le char qui devait retirer la barricade était Champaubert, piloté par mon très cher camarade Léo Jouhet. A pied, il y avait le Sergent Yves Triolet et quatre hommes. Au moment où nous allions démarrer, est arrivé en face un soldat allemand avec les mains en l'air. Il courait, puis a sorti ses papiers. Il était Autrichien. Or, le matin nous avions trouvé deux de nos Spahis tués le long d'un mur. Évidemment, ils avaient été fusillés. L'Autrichien a sorti une photo de sa femme et de six à huit enfants. Il était très inquiet et parlait, bien que nous ne puissions pas le comprendre. Je devais partir pour dégager la route et déminer (j'avais fait un stage de déminage à Sabratha), et quand je suis parti, j'ai dit aux camarades de ne pas le tuer.
Arrivé devant la barricade, Champaubert s'est mis au milieu de la route et mes très autres
(sic) camarades et moi s'occupaient de mettre les câbles et de les attacher au Champaubert. [Avant qu'ils aient eu le temps de s'écarter] Le pied de Jouhet a dû glisser sur la pédale de débrayage car il a donné une secousse en marche arrière et il y a eu une explosion. Quand je me suis relevé, je me suis aperçu que j'étais blessé à la jambe et un autre blessé à la tête [Le tronc est tombé sur une mine tout près]. Le Lieutenant Michard m'a examiné et dit que ce n'était pas grave. J'avais un éclat dans le mollet, et il m'a mis un pansement à la jambe et m'a retiré ma chaussure pleine de sang. J'ai été évacué dans un half-track où il y avait d'autres blessés. Jouhet était désolé et tout ému. Mais il n'y était pour rien et je lui ai dit «A bientôt».
Il raconte ailleurs : Le Champaubert. Troisième char à Paris le 24 août 1944. Détruit à Anglemont au pied de la Vosge montagnes le 2 octobre 1944. Le Champaubert a été détruit dans une attaque qu'elle a faite avec mon propre char Montmirail le long d'une route très boisée. À un moment donné, nous avons vu devant nous une grange. Après des années d'expérience que nous avons manqué à penser que les portes peuvent être ouvertes et qu'un char allemand nous prenait au dépourvu.

Le journal de marche du 2ème escadron du RBFM mentionne : 1er octobre - Le 2e Peloton participe avec le Sous-Groupement Putz à l'attaque de la forêt Nord Est de Rambervillers, dont le but est de couper la route de Rambervillers-Baccarat. Pas de casse mais des cheminements très pénibles pour les voitures et les chars sous la pluie dans la forêt, guidés par des fantassins qui ne savent pas très bien où ils vont.
Toute l'après-midi Huguet avec son "Morse" a abattu des arbres et cherché en vain des cheminements possibles. Et dans la soirée, le "Morse" aidé du "Phoque" a dégagé les abattis qui obstruent la route de Ramberviliers à Baccarat. On nous a bien assuré qu'ils n'étaient pas minés, mais au 3e arbre une mine saute, et Gonidec, Mouzard et Péna qui n'y croyaient guère sont criblés d'éclats, sans gravité. On sera plus prudent par la suite et l'opération se poursuit au milieu du vacarme des mines qui explosent et des branches qui se cassent. A la nuit faite la route est dégagée, et le peloton va goûter au semblant de repos à la corne Nord du Bois Béni où les trombes d'eau et les dégelées de 88 vont peupler nos rêves.
Padellec qui s'affaire auprès d'un réchaud sent son casque traversé par un éclat. Il ne voudra jamais plus en porter d'autre.
L'AFFAIRE D'ANGLEMONT. - Dans la nuit les éléments qui avaient pris pied dans Anglemont sont forcés de décrocher. L'ennemi attaque avec un bataillon et une douzaine de chars. Il faut reprendre ça dans la matinée. A défaut de l'artillerie que l'on ne peut obtenir, Slomski et Le Goff tirent à 4000 mètres sur des chars qui font demi-tour à l'exception de deux qui sont embourbés.
Peu après une section du 501e et des éléments du Génie pénètrent dans Anglemont, mais le char de tête est allumé. Le Commandant Putz envoie le 2e Peloton en renfort : à 30 milles les T.D. et l'A.M. foncent sur le village, Slomski suivi de Le Goff le débordent par l'Ouest et sèment le désordre parmi les biffins ennemis, les tirant à la mitrailleuse et à la grenade. Il touchera un char et en mettra plusieurs autres en fuite et son secteur serait de tout repos si peu après il n'était littéralement arrosé de 88. Pendant ce temps l'Aspirant Maymil a placé Huguet et Belfils à la lisière Nord du village, et Quezèdé s'en donne à cœur joie sur un Panther qu'il met en flammes à 800 mètres, tandis que Clad fait des cartons sur des biffins qui sortent de tous les bords. Dans l'après-midi arrive le Lieutenant de Vaisseau Guillon en compagnie de l'Enseigne de Vaisseau Bebin et de Riot. Il est reçu par l'E.V. Gelinet et l'Aspirant Maymil, lequel ramène une belle brochette de prisonniers, et salué par de nombreuses salves de 88. Peine perdue ; un seul blessé dans la journée : Hervé qui venait avec sa jeep évacuer des civils d'Anglemont et qui courageusement resta au volant après avoir perdu un
œil
A la nuit tombante ordre de se replier arrive, et tout le peloton retrouve l'Escadron à Gerbevillers loin de la mitraille et du canon.
Reste de l’escadron. - Sans changement.

Dans Caravane n° 51, octobre 1946, paraît le témoignage d'André Delepierre, aide-conducteur d'un Sherman de la 2ème compagnie du 501ème RCC : 
L’agitation règne partout. Les équipages s’apprêtent au départ et vérifient leur matériel. Les retardataires s’énervent et courent de tous côtés. Les moteurs emplissent la rue de vacarme et de fumée bleue, tandis que le tumulte des voix cherche à dominer l’ampleur de cette symphonie mécanique. Les chars, l’un après l’autre, viennent se ranger au bord de la route, devant le nôtre. Puis, les moteurs s’arrêtent et le calme règne à nouveau. L’heure H est proche. Les groupes se forment autour des chars ; chacun discute et donne son point de vue. Mais, voici le lieutenant. Il arrive avec le sourire et monte son paquetage à bord de notre Friedland. Il réunît ensuite ses quatre chefs de char, et tous discutent autour d’une carte d’état-major.
Ça va barder
II est près de huit heures quand le lieutenant revient vers nous. « Je crois que ça va barder ! » dit-il en se frottant les mains. « Où attaque-t-on, mon lieutenant ? » demande Okretic « Du côté d’Anglemont. — Où est-ce, Anglemont ? » demande Raillard, avec un accent de Titi parisien. « Là…» Le lieutenant désigne un point sur la carte. Un bruit s’approche, et, s’amplifie, devenant, bientôt, un vacarme assourdissant. Ce sont les chars légers qui passent. Ceux de l’adjudant Legrand — le bien connu Jaboune — qui commande le peloton de protection du G.T.V. Je reconnais, tandis qu’ils foncent, mon vieux compagnon des prisons d’Espagne, Pinhède, qui, du haut de son Honey, inspecte l’horizon à la jumelle. Je me demande ce qu’il peut voir, mais, enfin, c’est son affaire.
« En char ! » crie le lieutenant. Je grimpe sur le blindage et m’enfonce dans mon poste. Puis, ayant réglé la hauteur de mon strapontin et placé les écouteurs-radio sur mes oreilles, je regarde et j’attends. « Moteurs en marche ! » Meyer appuie sur l’un, puis sur l’autre bouton de démarrage et, successivement, les deux moteurs se remettent à vrombir, par saccades spasmodiques. Le lieutenant lance quelques ordres à ses chars… « Meyer, en avant ! » dit-il enfin. Nos écouteurs transmettent, fidèlement ses paroles. Meyer embraye et démarre doucement.
Nous doublons les autres chars de la section, qui, aussitôt après, nous suivent en colonne.
Premier combat
Le char s’arrête et, derrière lui, toute la colonne. Le lieutenant, avec souplesse, est descendu de notre char. Le capitaine lui donne des instructions précises et, sur la carte, lui désigne des objectifs. Je sors la tête de mon poste et je contemple le capitaine avec confiance. L’imminence du danger me le rend fort sympathique. Lui, du moins, ne connut jamais la peur. Il le prouva et c’est sur l’ordre d’un tel homme que, peut-être, nous nous ferons tuer, sachant très bien qu’il fera tout pour nous venir en aide et, s’il ne peut, qu’il nous vengera. « Fermez les volets ! » crie le lieutenant, en regagnant sa tourelle. Meyer obtempère, et moi aussi. Je ferme la petite porte blindée au-dessus de ma tête et visse solidement la fermeture. Puis rapidement, je règle mes périscopes.
La colonne s’est remise en route. Nous atteignons bientôt la lisière d’un bois, que nous longeons avec prudence, canons dirigés vers elle. Les fantassins du Tchad s’égaillent autour de nous, reconnaissent le terrain et surprennent plusieurs Boches, armés d’un bazooka. Nous avançons. Les mitrailleuses crépitent déjà de tous côtés et sondent l’inconnu de la forêt. Les balles traçantes dirigent les tirs, en faisant converger sur les frondaisons et les fourrés de magnifiques gerbes rouges.
J’ai armé ma mitrailleuse ; la bande est engagée et je suis prêt à tirer. Les appels radios brisent de temps à autres les ronflements de moteurs et la mitraillade. Meyer, les mains crispées à ses leviers, les yeux collés à son périscope, dirige à mes côtés la marche du Sherman ; il entraîne habilement notre lourd véhicule par-dessus les talus et parmi les obstacles. Nous arrivons enfin, à la corne du bois : une vallée s’étale, devant nous. Dans le fond, j’aperçois le clocher d’une église qui, majestueusement, pointe par-dessus les toits rouges : Anglemont…
Nous atteignons le but, presque sans coup férir !
Et premier obus
Mais, non ! C’était trop beau ! J’entends un sifflement et, par le périscope, je vois à notre droite une grande gerbe de feu, de terre et de fumée noire, qui jaillit vers le ciel, avec un sourd éclatement. Autre sifflement, autre explosion : je vois une autre gerbe, un peu plus près, cette fois. Puis d’autres encore… Ce sont les Allemands, qui, des hauteurs de Sainte-Barbe en face, nous expédient des obus de gros calibre. Le buste dépassant de sa tourelle, au mépris des éclats, le lieutenant commande la manœuvre. Quelques ordres brefs à la radio, les cinq chars se disposent en bataille et continuent leur progression, comme si rien ne devait entraver leur avance.
Le Boche, pourtant, règle son tir et les points de chute des « pélauds » se rapprochent sensiblement de nos blindés. Ils nous encadrent de plus près, tandis que les chefs de chars, aux ordres du lieutenant effectuent des manœuvres de reculs, d’avances, et de volte-face, pour gêner le tir des batteries ennemies. Tout à coup, là-bas, sur les hauteurs, de l’autre côté de la vallée, s’allume une petite flamme, puis une autre… D’autres encore… Quelques secondes se passent… Je perçois des sifflements… « Les antichars ! » grogne Meyer. Ce coup-ci, c’est bien pour nous ! Le tout est de ne pas leur laisser le temps de régler leurs pièces… Un choc brusque dans un bruit sourd : le char est violemment secoué, d’avant en arrière. C’est Okretic, notre tireur qui vient d’ouvrir le feu. Quatre coups de canons se succèdent aussitôt. Les autres chars ont à leur tour tiré.
Un claquement sec : Rail lard vient de recharger la pièce. Okretic tire à nouveau, puis tire encore. Raillard recharge sans arrêt. Les autres chars en font autant, prenant durement à partie les antichars ennemis. Le roulement de la canonnade prend un rythme ininterrompu.
Cependant en ligne de bataille, les chars évoluent toujours parmi d’énormes explosions. Il y a évidemment un observateur habile qui, de là-bas, dirige le tir des batteries allemandes. Les concentrations deviennent plus massives de tous côtés, les gerbes nous encadrent ; les chefs de chars doivent déployer toute leur astuce manœuvrière pour dérégler le tir de l’artillerie ennemie. Le lieutenant s’en inquiète et demande des ordres ; il appelle Jacques, le capitaine et, par radio, lui rend compte de la situation.
« Avancez ! » L’ordre est formel et indiscutable, et le lieutenant est homme à le bien exécuter. Aussi continuons-nous à progresser vers Anglemont.
Le Tchad à l’assaut
Nous arrivons bientôt à proximité du village que nos chars investissent, tandis que l’infanterie du Tchad s’élance à l’assaut de la garnison boche, dont les éléments fuient de toutes parts sous le feu de nos mitrailleuses.
Nous faisons halte et, les volets ayant été ouverts, nous passons la tête à l’extérieur. Ouf ! Qu’il est bon de respirer l’air pur ! Toutes ces odeurs complexes de gasoil et de poudre sont, malgré tout, assez nauséabondes…
Le tir des batteries boches s’est ralenti. Nos canons de leur côté, se sont tus. On n’entend plus que le crépitement des mitrailleuses qui crachent encore dans le village. De temps à autre, un sifflement, une gerbe de feu, de terre et de fumée, une violente explosion… Juste le temps de rentrer sous notre coquille d’acier ; ce n’est pas grave. La fin est proche. Un jeune fantassin du Tchad nous voyant arrêtés, se précipite vers notre char, une bouteille à la main. C’est un jeune engagé de Paris, il est joyeux : « Quel beau baptême du feu ! » nous dit-il. « Ah ! Je suis content de mon baptême ! Tenez ! Buvez… c’est de la mirabelle que j’ai prise aux Boches, tout à l’heure. » Et nous buvons à sa santé, les uns après les autres, au goulot de la bouteille, cet excellent alcool lorrain qui vous exalte et vous réchauffe le corps.
Dispositions de nuit
La garnison ennemie s’est rendue vers onze heures. Un détachement français occupe Anglemont. Nous sommes dirigés sur la côte, à l’orée du bois, en protection du village.
Vers quatre heures, la pluie s’est mise à tomber. Il faut placer des crampons aux chenilles, afin qu’elles ne patinent pas. Le lieutenant dispose ensuite ses chars à la lisière de la forêt, en les éloignant suffisamment les uns des autres. La côte de Sainte-Barbe est en face, sur l’autre versant de la vallée, le Boche nous observe. Pour éviter qu’ils ne soient repérés, nous camouflons nos blindés à l’aide de branches que nos coupons aux arbres voisins. Les fantassins du Tchad, pendant ce temps, ont nettoyé la forêt. Ils ramènent un certain nombre de prisonniers et un butin considérable que, loyalement, ils partagent avec nous.
Après avoir dîné sommairement de quelques biscuits et de conserves, nous prenons nos dispositions pour la nuit. Le lieutenant couchera dans la tourelle du char, et nous avons monté une tente sous les arbres, avec la bâche du Sherman.
On remet ça
La matinée s’écoule dans un calme coupé seulement, de temps à autre, par les rafales de l’artillerie. Le lieutenant a été reconnaître ses positions. Les chars ennemis se sont, paraît-il, repliés en direction du village. Le capitaine nous fait savoir, un peu avant midi, qu’une contre-attaque vient d’être montée, ayant pour objectif Anglemont, actuellement tenu par des éléments d’infanterie et par des chars allemands, Panthers et Mark IV.
La première section de notre compagnie (la 2e du 501e RCC) — celle du lieutenant Michard — appuyée par la reconnaissance, l’infanterie et les fusiliers marins, est chargée de l’opération. Notre section (2e) devra de ses armes automatiques et de son artillerie, soutenir la contre-attaque et gêner la retraite éventuelle de l’ennemi, sans toutefois quitter ses positions actuelles.
Notre artillerie, bientôt, se met à tonner, déversant, sur Anglemont, un déluge d’acier. .33
Puis, des bruits de moteur nous parviennent, qui montent de la vallée : la section Michard, en marche vers son objectif.
La radio nous diffuse les ordres du P.C. et les appels ; nous pouvons suivre ainsi les préliminaires de l’attaque. On pourrait se croire au cinéma, si parfois l’artillerie boche ne venait nous rappeler que nous ne sommes pas au spectacle.
Drame radiophonique
« Allô ! Jacques ! Allô Jacques ! Ici, Louis. Répondez. » Après un court silence, la réponse nous parvient : « Allô Louis ! Allô Louis ! Ici Jacques. J’écoute. — Allô ! Sommes en présence de chars lourds et d’un adversaire très supérieur en nombre, qui nous oppose une résistance acharnée… Que devons-nous faire ? Que devons-nous faire ? — Allô Louis ! Maintenez-vous à tout prix dans le village ! Maintenez-vous à tout prix ! Je vous envoie des renforts. — Allô Jacques ! Bien compris. Terminé. — Allô Louis I Tous… Allô Louis, Tous ! En avant ! »
Nous savons ce que cela veut dire, et ce qu’ils risquent !
Les mitrailleuses s’énervent. La canonnade s’amplifie sur un rythme ininterrompu. La fumée s’élève du village, monte et se disperse au-dessus des maisons. Nous suivons passionnément le combat qui se déroule. Puis brusquement, un autre appel de Michard : « Allô Jacques ! Allô Jacques ! Ici, Louis. Répondez. — Allô ! Louis ! Ici Jacques. J’écoute. — Allô Jacques ! Nous venons de détruire un Panther. Continuons à progresser dans le village. Envoyez renforts… -Allô Louis. Très bien ! Continuez. Les renforts sont en route. — Allô Jacques ! Bien compris. Terminé. » Plus sinistre cette fois, un autre appel nous parvient ; « Allô Jacques !… L’un de mes engins vient de sauter… Envoyez l’ambulance. —- Allô Louis ! Je vous envoie d’urgence les secours demandés. »
Objectif atteint
Mais le Boche a perdu le meilleur de ses forces et bientôt il se replie. Michard est maître de la place, que l’infanterie nettoie. La poursuite commence. De notre observatoire, nous apercevons les unités de l’infanterie allemande — un bataillon — qui, battant en retraite, sortent du village, et montent sur l’autre versant de la vallée. Pour nous, l’action va commencer.
Un petit Panzer affolé, se met lui aussi à grimper la côte. Non loin du Friedland part un coup de canon, puis un autre… C’est un char de notre section — celui de l’adjudant Journet — qui, placé en pointe, à la lisière Nord du bois, vient de tirer sur le char boche. Touché ! Le Panzer s’immobilise. Le tireur de Journet, Thuayre, un petit Breton, lui a mis un obus, à plus d’un mile. Le coup est beau ! Tous, nous sommes en liesse. A leur tour, nos mitrailleuses se sont mises à cracher. Elles tirent sur le bataillon en déroute, qui, rapidement, se défile sous nos yeux.
Le Boche fuit, éperdument, tandis que son artillerie s’efforce en vain de nous impressionner. Les obus sifflent et tombent sur Anglemont et autour de nos chars, sans toutefois nous atteindre. La défaite est totale. L’ennemi a terminé sa retraite, sous le feu meurtrier de nos canons et de nos armes automatiques qui répandaient la mort dans ses rangs. Nous en avons tué plus de deux cents et, depuis hier, plusieurs centaines de prisonniers ont été faits.
Michard a détruit deux Panther, Thuayre un Mark IV, et deux autres de leurs chars ont été mis à mal par les unités d’accompagnement.
Mais nous avons laissé l’un des nôtres dans Anglemont. Nos camarades sont morts brûlés. Cette vengeance leur était bien due !


Sources :
-- Dossier du Centre des Archives du Personnel Militaire (CAPM) à Pau (64).
-- Dossier du Bureau des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (BAVCC) à Caen (14).
-- Service Historique de la Défense (SHD) à Vincennes, cotes 1 K 669-2, 11 P 235, 12 P 126.
-- Courriels de François Joseph Roux, Jean Pflieger, Michaël Henry.
-- Archives du Service Historique de la Défense à Vincennes, cotes 11P227, 11P228 et 11P233.
-- Encyclopédie en ligne Wikipédia.
-- 2e DB avec Leclerc de Douala à Berchtesgaden, par le général Duplay, Eric Baschet Editions.
-- L’épopée de Leclerc et ses hommes, de Koufra à Berchtesgaden, par Dominique Forget, éditions du Signe.
-- La 2ème Division Blindée, la Division Leclerc, 24 août 1943 – 22 juin 1945, Son chef, ses hommes, leurs combats, par les Musées de la Ville de Paris.
-- La 2ème DB, par Raymond Muelle, collection Troupes de Choc, Presses de la Cité éditions, Paris.
-- 2ème DB Album Mémorial, par Alain Eymard.
-- Les Cavaliers du Soleil, par Claude Girard, préface d'Yves Guéna, éditions Quorum.
-- Septembre 1944 - février 1945 Ils ont libéré l’Alsace et la Lorraine, par Raymond Muelle et Fabienne Mercier-Bernardet, collection Images d’Histoire, Esprit du Livre éditions.
-- Le 1er Spahi des origines à nos jours, par Pierre Dufour, Editions du Fer à marquer.
-- L'Armée blindée française, tome 2 1940-1945, par Gérard Saint-Martin, collection Campagnes & Straégies, dirigée par Philippe Rigalens, Editions Economica Paris.
-- Atlas de la libération de la France, par Stéphane Simonnet, Editions Autrement.
-- Site MemorialGenweb, et notamment les relevés de Martine Mangeolle, ainsi que l’échange de mails avec cette personne.
-- Site internet de la France Libre.
-- Site Internet de l’Ordre de la Libération.
-- Site Internet de la Fondation Leclerc.
-- Site http://www.gastoneve.org.uk/.
-- Site http://stephane.delogu.pagesperso-orange.fr/division-leclerc.html.
-- Forum http://2db.forumactif.com/, dont documents de Planchon.
-- Site http://www.chars-francais.net.
-- Site http://www.charles-de-gaulle.org.
-- http://www.histoire-lorraine.fr.
--
Les régiments de chars de la 2ème BD, par François de Lannoy, Editions Techniques pour l'Automobile et l'Industrie (E.T.A.I.), 2014, pages 105 à 107.
-- https://www.voiedela2edb.fr/anglemont/#recit.
-- https://www.parismuseescollections.paris.fr, Ordres généraux n° 72 (Corps d'Armée 14/11/1944), n° 75 (CA 06/12/194)
- Normandie, Paris, Vosges, Alsace.


Crédits photographiques :
-- Numérisations Bernard Guinard (archives SHD, CAPM et BAVCC).
-- 2e DB avec Leclerc de Douala à Berchtesgaden, par le général Duplay, Eric Baschet Editions.
-- 2ème DB Album Mémorial, par Alain Eymard.
-- Photos Bernard Guinard , François Joseph Roux, Martine Mangeolle, Christian Dusaussoy, Claude Richard, Gaby André Vitinger.
-- Fascicule DB Strasbourg, document envoyé par Planchon, du forum sur la 2ème DB.
-- https://www.facebook.com/events/1465224857075742.
-- Forum http://2db.forumactif.com/.
-- http://www.gastoneve.org.uk/.
-- https://www.ouest-france.fr/bretagne/le-relecq-kerhuon-29480/une-rue-en-memoire-de-pierre-coatpehen-ancien-combattant-3656604.
--
https://wordspics.wordpress.com/2016/12/05/par-les-forets-et-par-les-villages-de-lest/.
-- http://www.romilly-aviation.fr/caron.htm.
--
http://minitracks.forumpersos.com/t13405-sherman-m4-a2-romilly-501-eme-rcc.
--
http://www.2iemeguerre.com/blindes/montereau2.htm.
-- https://www.voiedela2edb.fr/.
-- https://www.ecpad.fr/.
-- https://imagesdefense.gouv.fr/.
-- https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/.
-- https://www.2edb-leclerc.fr/.
-- https://www.ordredelaliberation.fr/.
-- https://museedelaresistanceenligne.org/.
-- https://www.parismuseescollections.paris.fr/.
-- Encyclopédie en ligne Wikipédia.
-- Bundesarchiv.
-- http://ecole.nav.traditions.free.fr.
-- https://commons.wikimedia.org/.
-- https://www.legion-etrangere-munch.com/.

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