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Liste des condamnés à la déportation en enceinte fortifiée : Louis Jean Désiré GRAFFIN, et cinq arabes.
Liste des
condamnés à la déportation simple : Louis
Benjamin BARON (ou BARRON),
Jean-Pierre Eugène FOIX, Henri Auguste GUERITTE, Jean JOSEPH, Nicolas Octave LEDANTE, et deux arabes.
Le Navarin participera au rapatriement des Communards par deux fois. Le
3 juin 1879, après avoir déposé un nouveau
contingent de forçats au bagne, le Navarin quitte Nouméa.
De fin juin 1878 au 11 mai 1879, un certain Eugène
PIGEON, sergent dans l'Infanterie de Marine, originaire de Pontaumur,
dans le Puy-de-Dôme, a accompagné des forçats sur le Navarin. Tiré au
sort, il avait été astreint à près de 6 ans de service. Dans une lettre
datée de Brest qu'il a écrite le 19 janvier 1879, il fait état de cette
série d'avaries, des deux faux départs avec retour à Brest pour les
réparations.
Un maître d'hôtel du Navarin, Narcisse BARRET,
raconte dans un livre ce voyage aller
et
retour. Un soldat, sapeur à la 43ème compagnie du 3ème régiment
d'Infanterie de Marine, François DENIS, faisait partie du nombre des
passagers. Il allait en Nouvelle-Calédonie pour le service de la
surveillance du Bagne, et il raconte également ce voyage aller et
retour dans ses carnets.
Le Navarin avait donc quitté Brest le 20 décembre 1878,
pour mouiller à Rochefort le 24. Le 27 décembre vers 13h00, 200 soldats sac
au dos accompagnés de deux officiers de l'Infanterie de Marine, les 43ème
et 44ème compagnies du 3ème régiment d’Infanterie de
Marine. Le détachement quitte la caserne des Charentes à Rochefort, musique
en tête, accompagné du chef de corps, Monsieur LAURANT on traversa la ville.
Tous les habitants du haut des fenêtres disaient au revoir à ces braves qui allaient
dans un pays lointain défendre l’honneur de la France. Ces hommes sont
destinés à assurer la sécurité à bord du navire pendant le voyage, avant de
relever 2 compagnies en poste en Nouvelle-Calédonie. Les officiers sont Monsieur
COVIER, capitaine et chef de détachement et Monsieur RICOURT, sous-lieutenant
d’infanterie. Le transfert entre le port de Rochefort et le Navarin, au
mouillage à l’île d’Aix est assuré par la Comète, puis par deux chaloupes
effectuant la navette entre les deux bâtiments. François DENIS raconte sa
montée à bord : Il fallut comme de juste attendre son tour pour
descendre, ce qui arriva à 8 heures du soir et avec une pluie battante. Quand
je me vis dans cette barque où l’eau venait presque à rentrer et qui la lançait
comme un drapeau au vent, je ne savais plus où j’en étais. La joie commence à
renaître : j’attrape l’échelle d’espérance, je monte. Quelle surprise en
arrivant là-dedans. On croyait arriver dans un galère et, à dire la vérité,
l’on ne se trompait pas beaucoup. Le 28, les passagers libres embarquent, puis
ce sera le tour 364 forçats. Mais le navire resta deux jours encore au
mouillage.
Le 31 décembre c'est le départ pour Nouméa.
Cependant, suite à une tempête, 11 heures après le départ, survient une grave
avarie du mât de misaine (Le mat de perroquet du mat de misaine fut emporté
mais il ne causa pas d’accident), qui oblige le navire à revenir au port
pour effectuer les réparations nécessaires. Le 6 janvier 1879, nouvel
appareillage mais, en rentrant dans le Golfe de Gascogne tous les vents
semblaient se déchaîner sur nous…Ce fut l’affaire de 4 à 5 jours…Les pauvres
mats qui ne pouvaient plus résister commencèrent à se disloquer. Le 12 janvier,
à midi, on s’aperçut que le grand mat était ébranlé jusque dans la cale du
navire et même le bateau faisait de l’eau. Suite à cette voie d’eau, le
commandant donne l’ordre de revenir sur Brest pour réparer.
Le Navarin s’y trouve le 15 et le lendemain, le
Calvados vient en rade, afin que les 364 forçats y soient transférés le temps
de la réparation, ainsi que et la 44ème compagnie pour les garder.
La 43ème compagnie débarque et est stationnée à
Pontanezen pour le
temps des travaux. Le Navire entre à l'Arsenal le 17 pour être démâté. Les
dégâts ne sont pas aussi graves qu'envisagés au départ, mais une fausse
manœuvre d'un remorqueur abîme le navire et il faut prolonger les réparations
.
Le 25 janvier, les troupes et les forçats
rembarquent, et le départ pour la Nouvelle-Calédonie à enfin lieu le 27 janvier
1879. Le Navarin avait mauvaise réputation auprès des marins, car à chaque
voyage il y avait des incidents ou de graves avaries. Il passait pour n'avoir
pas de chance, ce qui semble confirmé par ce qui précède, et l'on connaît la
légendaire superstition des marins! ...
Peu après ce nouveau départ, un soldat est blessé
assez sérieusement à la tête, et il sera débarqué à Tenerife pour
rapatriement. Le 5 février, un forçat se pend avec la corde de son hamac. Il
avait été condamné à 22 ans de travaux forcés, et avait déjà tenté par deux
fois de se suicider. Le lendemain, c'est un marin de l'équipage qui décède, et
les deux corps sont immergés selon l'usage. Le 10 février la terre est en vue,
et le lendemain, le Navarin mouille à Santa Cruz de Tenerife.
François DENIS donne une description assez détaillée de
Tenerife : Au pied d’une
grande montagne inaccessible, sur le bord de la mer, on aperçoit une petite
ville entourée de verdure magnifique. On y remarque la place de la Constitution
et le fort, qui éclate à 10 lieues aux alentours. On y remarque encore deux
lions traversés par une épée ensanglantée et semblant vomir le feu. On récolte
dans cette île oranges, bananes, dattes, figues, café, tabac et quelques
légumes et quelque peu de grains, mais bien peu. Les habitants sont espagnols
et ils ont le même costume que les Français. Dans ce pays, les oranges valent 4
fr. le cent ; les bananes la même chose. Le paquet de tabac, 75 centimes
les 100 grammes et les paquets de cigares de 25, valant 1 franc.
Après avoir fait des provisions de bœufs, de moutons, de volailles ou
charbon pour les cuisines, enfin toutes les provisions toujours utiles pour la Traversée,
le vendredi 14 février à 7 heures du soir, le bateau reprend la mer.
Le 16 vers 2
heures de l’après-midi, donc 2 jours plus tard, la flèche du mât d'artimon
casse. Dans sa chute, elle entraine la flèche du grand mât, dont le
paratonnerre manque de peu 2 soldats de l'Infanterie de Marine, avant de tomber
à la mer. Le soir même la réparation est effectuée, mais le commandant
préfèrera ménager le mât d'artimon tout le reste du voyage, ce qui en allongera
encore la durée. Le 24 février, à 12 heures précises, un forçat
d'environ 62 ans, malade depuis Brest, décède et est immergé le même jour.
Deux jours plus tard, 26 février jour des cendres, c'est le
«passage de la ligne»,
c'est-à-dire le franchissement de la ligne de l'équateur, une des traditions maritimes
qui ont perduré, constituant encore aujourd'hui un rite important dans les marines nationale et marchande,
française et occidentale. Cette cérémonie initiatique, durant laquelle les
barrières de grades et de fonctions n'existent plus, se déroule de la manière
suivante : les marins et passagers qui traversent pour la première fois la
ligne équatoriale en bateau sont invités à se présenter devant sa majesté
Neptune. Pour être autorisés à franchir sans encombre cette zone redoutée entre
hémisphère nord et hémisphère sud, ces «novices» doivent payer un
tribut au roi des mers et des océans et recevoir le
«baptême». Pour
ce faire, les anciens se déguisent pour endosser les rôles du dieu Neptune et
de son épouse Amphitrite, mais aussi en astronome, juge, évêque de la ligne ou
encore en «sauvages». Les nouveaux sont alors conviés à des
festivités durant lesquelles ils auront à passer diverses épreuves ; l'une
des plus célèbres est l'immersion dans la piscine improvisée sur le pont ou à
la lance à incendie. Une fois cette cérémonie terminée, les baptisés, devenus
«chevalier des mers», reçoivent un
certificat de passage
de la ligne. Mais attention! Ce diplôme doit être précieusement gardé et
présenté à chaque passage de ligne suivant, sous peine de devoir se présenter à
nouveau devant le roi des mers et des océans...
François DENIS nous donne encore une description assez précise de
la fête de la Ligne : La veille, on monta des haricots dans les hunes,
mêlés avec des petits pois et beaucoup d’aux. La fête est annoncée la veille au
soir par un défilé de masques et de clairons de toute espèce. Un homme
représentant le père La Ligne, un autre, madame La Ligne et tout cela,
richement vêtu, le reste des masques marchant derrière les deux autres
premiers, accompagnés des clairons. Quand tout cela est en train de défiler,
l’équipage ainsi que les passagers ne manquent pas de suivre tous ces
vauriens-là qui, une fois que vous êtes sous les hunes, ne manquent pas de
donner le signal et, aussitôt une grêle de pois et d’haricots et d’aux tombe de
toute part, comme une grêle dans un grand orage. Et le lendemain, encore
pire : on organise une espèce de caisse pleine d’eau, cachée dans des
toiles préparées à cet effet et, une fois qu’elles sont pleines d’eau, on
recommence le défilé comme la veille. On vous fait à tour de rôle passer devant
cette baille et après vous avoir noirci la figure et les pieds que vous devez
avoir tous nus, on y ajoute un perruquier à cette cérémonie, qui se tient ici
prêt avec un grand rasoir et une paire de ciseaux et un peigne. Tout cela est
en bois. Après vous avoir coupé les cheveux et rasés, il vous demande si cela vous
va bien. Que ça vous va ou que ça ne vous aille pas, c’est la même chose :
vous recevez bientôt une bousculade qui vous fait tomber dans la caisse d’eau
qui vous passe pardessus la tête. C’est ce que l’on appelle le baptême du
tropique. Attendu que l’on fait cette fête juste le jour où l’on passe de
l’autre côté du soleil. Eh bien donc, ce riche bapteme, je l’ai reçu le 26
février à 2 heures de l’après-midi, jour des cendres
.
Narcisse Barret donne une description encore plus détaillée de ce
rituel du passage de la Ligne.
Le lendemain le Navarin passe près de
l’île
San Fernando, au Brésil : Habitée par
les forçats du Brésil, cette île représente un mamelon coupé en deux, des
rochers formidables en formant l’ornement. Dans ces parages les vents sont
tellement vigoureux de telle sorte que nous l’avons doublée cause du vent
contraire. Le commandant a donné l’ordre de contourner l’île, et c’est ce que
l’on a fait ; on l’a contournée à un quart.
Le 7 mars,
le Navarin porte aide et assistance à un navire anglais en détresse. Une
chaloupe où avait pris place une femme et 4 matelots aborda le navire. Cette
dame, la femme du capitaine du bateau anglais fit sensation à bord, et
notamment auprès de François Denis. Le navire anglais, qui se rendait en
France, fut ravitaillé en farine, lard, biscuit, viande, café, sucre et eau
douce. Du courrier à destination de la France fut confiée à la femme du
capitaine, qui regagna son navire, avant que celui-ci ne reprenne sa route. Pour
Francis Barret, le navire s’appelle le Milton est retourne vers l’Angleterre.
Il parle d’une jeune femme qui est la fille du capitaine du navire anglais.
Le 8 mars, un soldat de la 44ème compagnie, de service de pompage, refuse de
continuer à pomper malgré l’ordre reçu. Ce soldat est traduit le 11 devant le
Conseil de guerre (ou conseil de Justice) du bord, qui le condamne à 1 an de
prison, peine réduite le lendemain à 6 mois après un second Conseil. Le 28 mars
(le 18 selon Narcisse Barret), un requin-marteau est pêché, écorché, dépecé et
profite à tout l’équipage. Un, ou deux, selon les récits, requins furent pêchés
les jours suivants. Le 3 avril, le Navarin double le cap de Bonne Espérance, et
le 10, un matelot meurt à l’infirmerie. Deux jours plus tard, le navire passe
près de l’archipel du
Crozet
(François Denis parle des îles Maria Grosset et de la Prossession, quant
à Narcisse Barret, il parle des îles Marion et Creset. Mais il s'agit
bien de l'île de la Possession et de l'île de l'Est avec son mont
Marion-Dufresne, dans l'archipel du Crozet).
Le 22 avril, deux forçats qui se trouvaient au cachot rompent leurs menottes et les donnent
au surveillant à destination du commandant avec ce message : voici ce
que nous faisons de vos menottes, selon François Denis ou, tiens, va
porter ça à ton commandant, voilà ce que j’en fais de ta ferraille, selon
Narcisse Barret. Ils sont alors enchaînés avec une chaine de 15 kilos, et le
lendemain ils sont mis à la barre de justice les mains attachées dans le dos,
chacun dans un cachot, mais toujours enchaînés, ce qui les obligeait à se tenir
constamment accroupis.
Le 30 avril, le cap de Tasmanie est doublé, le 8 mai le navire passe en vue de
l’île de
Norfolk : Cette île,
elle forme trois autres îles, est habitée par les forçats anglais. Sa
production, suivant ce que l’on nous a dit, que l’on a pu savoir, est à peu
près la même que celle de la Nouvelle [-Calédonie]. Comme nous passions pas
loin, on apercevait de l’œil les cocotiers magnifiques. Ce qu’il y a de
curieux, se sont ces rochers qui sont au bord de la mer. Ils sont d’une hauteur
qui s’élève au moins à 300 ou 400 mètres au-dessus de l’eau
. Le 10 mai su soir, le phare de Nouméa est en vue, et l’on voit également
les montagnes de l’île. Le lendemain à 7 heures, le pilote monte à bord pour
guider le navire dans la passe et, vers midi et demi, le Navarin mouille en rade Nouméa.
Le Navarin quitte Nouméa pour le voyage retour le 3 juin 1879, embarquant 405 déportés
ou commués et 2 forçats dont la peine est commuée en réclusion. Avant
le départ, chaque amnistié reçoit 1 paletot, 1 pantalon, 1 Béret et 2
paires de bas de laine, l'itinéraire devant passer par le cap Horn. Ces
effets d'une assez mauvaise qualité provenaient d'un achat effectué par
la Ville de Paris, et avaient été apportés par le Var, arrivé à Nouméa
le 28 mai. A 10h30 ce 3 juin 1879, le navire sort de la rade, remorqué
par la Dives. La traversée entre la Nouvelle-Calédonie et le cap Horn
devrait normalement durer de 35 à 40 jours, mais il en faudra 57, car
le 6 juin la Navarin subit une avarie du perroquet de fouque dont
l'amure casse, puis ce sont des vents défavorables ou contraires qui
ralentissent le navire.
Dans les premiers jours de la traversé, un nourrisson de 2 semaines
décède et, le 23 juin c'est un des amnistiés déjà malades à
l'embarquement qui meurt des suites d'une angine de poitrine. Ce
dernier sera immergé après une cérémonie civile. Le dimanche 29 juin un
autre amnistié décède et sera jeté à la mer dans les mêmes conditions.
Le 10 juillet, c'est un marin qui décède et sera lui immergé
religieusement. Puis quelques cas de scorbut se déclarent dans la
batterie haute. Le Navarin met 3 jours pour franchir le cap Horn sans
incidents, du 20 au 22 juillet. Le 6 août nouveau décès d'un amnistié.
Dans la nuit 12 au du mois, Sainte-Hélène est en vue et le 13, c'est le
mouillage devant James Town. Ce même jour un autre amnistié meurt, et
sera enseveli religieusement sur l'île.
Le 17 août, c'est le départ en direction des îles du Cap Vert et le 23
le Navarin passe l'Equateur par le travers de l'île Saint-Paul. Le 26
c'est un véritable déluge qui débute, et les grains se succèdent avant
le retour au calme le soir, avec l'entré dans la région du pot au noir.
Le 30 août les îles étant proche, le commandant ne voulant pas les
heurter de nuit, il ordonne de reprendre la pleine mer. Par la suite
les vents sont peu favorables jusqu'au 3 septembre, et il faudra encor
8 jours pour arriver à hauteur de l'île de Flores au nord des Açores.
Cela totalise déjà un retard de 3 semaines, et le navire n'a pas assez
de vivres pour assurer la subsistance si l'arrivée intervient après le
25 septembre. Le 13 septembre, déjà malade depuis un certain temps, un
second marin âgé de 22 ans décède d'hydropisie générale.
Le
18 septembre le rationnement est mis en place
par le commandant. Il durera 8 jours. Le 21, le temps change et des
vents
favorables permettent d'entrevoir la fin prochaine du voyage. Le 27 le
navire
se trouve à 42 lieues du goulet de Brest. Cette nuit-là tout le monde
est sur
le pont pour voir le phare d’Ouessant. Le commandant décide d'entrer de
nuit et le Navarin mouille en rade de Brest à 9h00 le 28 septembre
1879. Cette arrivée inopinée est relatée dans un article du Petit
Parisien du 1er octobre 1879,
page 2, ainsi
que le retour à Paris des amnistiés.
Les formalités effectuées, les amnistiés quittent le navire.
L'un d'eux
décède à peine débarqué sur le sol métropolitain. Il avait quitté le
bord sur une civière.
Les amnistiés arrivent dans la Capitale ce 1er octobre 1879, comme le relate un article de la
Petite Presse. Parmi eux se
trouvait un certain Jean-Baptiste PORTEFAIX, originaire de Paris. Ce
dernier, lieuenant puis capitaine de la Garde sous la Commune, arrêté
le 28 mai 1871, avait été condamné le 8 mai 1872 à la déportation en
enceinte fortifiée, peine remise le 15 janvier 1879. Il ne benéficiera
pas longtemps de la liberté en Métropole que lui avait apporté son
retour sur le Navarin, puisqu'il décède à Paris, dans son domicile, 16
rue Collard, le 11 décembre 1881.
Le 6 mars de précdent, il avait été
victime d'un accident alors qu'il exerçait la profession de cocher.
Le Navarin effectuera un autre transport qui
interviendra après l'amnistie générale
octroyée par la loi du 12 juillet 1880. Il quitte
ainsi Nouméa le 4 septembre 1880, embarquant 317
déportés graciés qui sont rapatriés.
Il arrivera à Brest le 6 janvier 1881.
Après
un nouveau voyage aller vers la Nouvelle-Calédonie, Le Navarin se prépare à
regagner la Métropole. François DENIS, nous a raconté son voyage aller en 1879.
Et il voyage à nouveau sur le Navarin pour le retour. Il embarque ainsi le 28
novembre 1881 à 8 heures, avec 336 autres soldats et 50 convalescents.
Le
1er décembre, le navire lève l’ancre, pris en charge par le D’Estrée et
remorqué pour sortie de la passe. Le 7 décembre, un artilleur meurt subitement,
et son corps est jeté à la mer le lendemain après une courte cérémonie. Le 10,
la vergue du cacatois se casse par une négligence des matelots. Dans la nuit du
16au 17, un matelot qui était monté dans le mât d’artimon, afin de dégager une
corde prise dans les voiles, fait une chute sur la dunette et il s’est fait
grand mal, mais le médecin a dit qu’il n’aurait rien de cassé, qu’avec les
soins voulus, ça ne serait rien.
Le
5 janvier 1882, une femme qui était malade et à l’infirmerie depuis un certain
temps décède. Et le même jour, vers 16h00, un homme malade qui était lui aussi
à l’infirmerie meurt à son tour. Ces deux corps sont jetés à la mer le
lendemain, après la cérémonie rituelle. Le 16 janvier, vers 4 ou 5 heures, le
fils en bas âge d’un gendarme meurt. Le 17, c’est un des amnistiés, qui
était malade de longue date, attaqué de la poitrine, qui décède à
l’hôpital. Le Navarin est alors à hauteur du Cap Horn, où le navire essuie une
tempête, qui n’a eu pour conséquence qu’un foc déchiré et une corde cassée. Le
19, par un calme plat, le Cap Horn est doublé. Le 26 janvier, par 50° de
latitude, un banc de glace est signalé par la vigie. Le 5 février vers 4h30, un
employé de l’Administration, qui revenait de Tahiti, malade depuis longtemps,
rend son dernier soupir à l’hôpital, et est jeté à la mer le soir même. Le 11,
c’est un soldat du 2ème régiment, lui aussi malade depuis un certain
temps, décède : après tous les soins voulus, il est mort de la poitrine.
Le lendemain à 10h00, cérémonie funèbre : Tous
les officiers y ont assisté et une partie de la troupe et le tambour de bord
avec son tambour recouvert de noir pour sonner le roulement, au moment où on
l’a jeté à la mer. Le 15 vers 2h45, un enfant convalescent, qui se trouvait
à l’hôpital, atteint de fièvre typhoïde, meurt. Il est jeté à la mer le
lendemain à 9h30, après les honneurs funèbres.
Le 18, la vigie annonce « terre ! », c’est-à-dire
Sainte-Hélène, ce qui réjouit tous les passagers après 80 jours de mer. Mais,
vers 20h00, alors que le Navarin ne se trouve qu’à 5 ou 6 km de l’île, il est
trop tard pour entrer en rade, et le navire doit virer de bord pour tirer
des bordées pendant toute la nuit. Le lendemain le bateau mouille en rade
de Sainte-Hélène. François Denis donne une description détaillée de cette
île.
Il
est bon de vous dire que, le tour de l’île, il n’y a pas de
fond et ni récifs. Il est que un seul devant la ville que l’on peut mouiller et
il n’est pas grand. Il ne faut pas le rater, sans cela on ne trouverait pas de
fond. Maintenant la ville
est très mal située entre des montagnes et il y en a
la moitié qui est dans la montagne. Ça paraît bien bâti en pierre et couvert de
tuiles. On mouille à environ 1000 1500 mètres de la terre. En face de la ville,
il y a un grand mur qui fait le cercle devant la ville, où la mer rejette son
reflux et, en même temps, c’est là qui est le quai. Il y a une belle cathédrale
qui est montée en pierre jusqu’au haut de la flèche du clocher et des arbres
qui sont bien verts sur les allées qui se trouvent devant. Ou, plutôt, la place
n’est pas grande. Le plus haute maison que j’ai remarquée est à 3 étages. Il y
a aussi 6 forts qui sont taillés dans les rochers pour défendre la ville et la
rade. De la manière que c’est situé, c’est imprenable. On compte 700 habitants.
Ça n’est pas fort, mais c’est beau à voir le chemin qu’ils ont taillé dans le
roc et, partout, il y a un grand mur pour garantir de tomber dans les remblais
qui sont escabreux. Il y a même beaucoup d’endroits que l’on ne peut pas y
pénétrer, mais sur le bord de la mer. (…illisible…). Je ne pourrai pas trop en
donner grand détail, car je ne reconnais pas. Mais je crois que ça doit être
très médiocre dans des chaleurs comme il y en fait. Et puis je coirs bien aussi
qu’il n’y a pas des tas d’eau douce. On voit que c’est sec partout. Je crois
que ça ne fait pas grand commerce. Je vous dirai aussi que les habitants ne
travaillent pas le samedi ni le dimanche. Tous les magasins sont fermés. On ne
peut rien avoir avec son argent.
Le 24 février 1882, un civil,
titulaire de la Médaille Militaire, écrivain de Marine, meurt à l’hôpital. Cet
homme était atteint de douleurs rhumatismales et un peu brûlé par la boisson.
Depuis son entrée à bord, il a été malade et réduit à ne pas pouvoir quitter le
lit. Le lendemain, les honneurs funèbres lui sont rendus, un piquet de
15 à 20 soldats en armes, commandés par un sous-officier, deux caporaux en
armes qui escortent le cadavre et son corps est jeté à la mer. Le 25, le
Navarin passe près de l’île de l’Ascension. Cette île ne paraît pas bien
grande et pas beaucoup de montagnes et c’est un lieu de transportation en Anglais.
Il y a aussi des arbres dans la vallée. Ça paraît beaucoup plus habitable que
Sainte-Hélène. Le 1er mars 1882, une passagère, Madame MEUNIER, met
au monde un enfant à 7h30, alors que le navire se trouve à proximité de
l’équateur. Le 7 mars, il essuie une grosse tempête. Le 12 vers 8h00, un
matelot décède et une courte cérémonie a lieu le soir même pour ses
funérailles. Le 23 mars à 8h00, la vigie annonce la terre des Açores. Le 31, le
navire se trouve près de l’île d’Ouessant, dont on voit le phare à 20h30. Le
lendemain à 21h00, un coup de canon est tiré pour appeler le pilote, puis une
fusée rouge est tirée. Le bateau tire des bordées toute la nuit et, le 2 avril 1882 vers
5h00, tire un nouveau coup de canon. Vers 8h30, le pilote monte à bord puis, vers
midi, un bateau à vapeur, l’Infatigable, vient chercher le Navarin pour le
remorquer jusque dans la rade de Brest, où il mouille à 18h00.
Pour tout renseignement concernant ces prisonniers, vous pouvez me contacter (ici). Les photos des Communards utilisées dans cet article proviennent du site http://digital.library.northwestern.edu, avec l'aimable autorisation du webmestre du site pour leur utilisation ici. Les photos présentées correspondent en principe aux personnages, mais une erreur d'identification est toujours possible. Pour les communards originaires du Finistère, vous pouvez consulter le site de Patrick Milan, pour ceux originaires d'Arcueil (Val-de-Marne), vous pouvez consulter le site d'Annie Thauront, avec également un article sur le député de la Guadeloupe Melvil-Bloncourt, condamné à mort pour sa participation à la Commune.
Sources :
-
Déportés et forçats de la Commune : de
Belleville
à Nouméa,
par Roger Pérennès,
Nantes, Ouest Editions, 1991.
- Site
Internet http://www.dossiersmarine.fr.
-
Dossiers des navires au Centre des Archives
d'Outre-Mer à Aix-en-Provence, série H30.
- Anom OCEA 140, dossier K15.
- Wikipedia pour définition du Pot au noir.
- Dossier de bagnard de François Jourdy envoyé par Philippe Rousselot.
- Nouméa aller et retour, par Narcisse Barret, maître d'hôtel à bord du Navarin, Paris, 1880.
- Service Historique de la Défense à Brest 2F17 (Informations envoyées par Yannick Lageat).
- Forum Images Marines, pages 9 et 10.
- http://historic-marine-france.com/plans/plans-vaisseaux.htm.
- Courriel de Marcel Pigeon du 30 septembre 2018.
- Documents concernant François Renard envoyés par Joël Laruelle.
- Courriel de Jérôme Moreau du 12 juin 2020.
- Carnets de voyage et documents de François Denis transcrits et publiés par Pierre Reboul (envoyés par Bernard Denis en juin 2020).
- https://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/le-saviez-vous-le-passage-de-la-ligne.
- Archives des Deux-Sèvres, 9 R 2/39-1.
- Courriels de Frédéric Mauchamp, des 22 et 24 janvier 2022.
Crédits
photographiques :
-
Déportés et forçats de la Commune : de
Belleville
à Nouméa,
par Roger Pérennès,
Nantes, Ouest Editions, 1991.
-
Numérisations archives par Bernard
Guinard.
- Photos envoyées par Claude Millé.
- Photos envoyées par Joël Laruelle et Bertrand Puel.
- Belle photo du Navarin provenant du musée de la Marine (envoyée par Bernard Denis).
- Cartes postales anciennes.
- https://servimg.com/view/13839571/569# (certificat de baptême du Passage de la Ligne).
- Wikipédia et BNF pour rite Passage de la Ligne.
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