Note individuelle
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A trois quarts de lieue au sud de Vernoux, en prenant, sur la droite de la route du Pape, un sentier à travers les bois, on arrive à la vue d'un vieux castel qui se composait de deux donjons ou grandes tours, bâties sur deux rochers isolés l'un de l'autre par la nature, mais réunis sans doute autrefois par des remparts et des galeries. Le donjon le plus élevé, qui était aussi le plus considérable, a encore presque tous ses murs debout; il est flanqué de tourelles et de bastions à cul de lampe, et hérissé de consoles, de mâchicoulis, que devaient jadis surmonter des créneaux. De hautes fenêtres cintrées s'étagent sur la façade avec assez de régularité. Deux pans de murs ruinés, dont l'un soutient encore une tourelle (De là sans doute le nom de Tourette) au haut de sa pointe aiguë, dominent la porte d'entrée du préau. La tour inférieure, à moitié rasée, s'avance à l'extrémité d'une espèce de promontoire escarpé, au pied duquel coulent, à une immense profondeur, les deux branches de la Dimière. Ce torrent bat de ses flots écumants les deux côtés et la pointe du triangle formé par la montagne de granit où fut assis, carrément et fièrement, le donjon de la Tourette.
D'immenses conduits souterrains qui y amenaient les eaux et dont on voit des vestiges, des terrasses assez vastes, des restes de longues et belles allées, tout annonçait la puissance et le luxe du temps dans ce séjour féodal.
Aujourd'hui, à la place de ces créneaux d'où le châtelain allait examiner les signaux des forts du voisinage, croissent les graminées et les arbustes dont le vent balance dans les airs les tiges fleuries. Là sont les nids de l'orfraie et du vautour qui planent en rond au-dessus du précipice. Quelquefois, parmi les débris gisants sur le sol, un serpent se glisse, siffle et disparaît; on pourrait voir en lui un vivant symbole - la haine et l'envie jettent aussi leur bave impure sur notre glorieux passé, tout en s'abritant sous ses ruines.
La terre de la Tourette et celle de Chalencon formaient les deux moitiés d'une baronnie de cour qui donnaient le droit à leurs titulaires d'assister, à tour de rôle, aux états du Languedoc. Cependant, ce droit ne doit remonter qu'à l'époque à laquelle cette baronnie (Sous Louis XIII) fut détachée du Dauphiné pour être réunie à la sénéchaussée de Nîmes et au Vivarais.
La baronnie de Chalencon et la Tourette fit d'abord partie de la principauté de Valentinois: or, le dernier des comtes de Valentinois déshérita la branche cadette de sa maison et fit héritier (En 1419) de ses états Charles, fils de France et dauphin de Viennois. Ce dernier, pour se mettre à l'abri de toute réclamation de la part des Saint Vallier, transigea avec eux, obtint qu'ils fissent une renonciation expresse à toutes leurs prétentions sur le Valentinois, et leur donna en dédommagement la baronnie de Chalencon, les seigneuries de Durfort, de Saint Fortunat (Chambre des comptes de Grenoble, caisse du Valentinois. Tertius liber copiar. Valentin et Dieux, foi. 215) et leurs dépendances, sur lesquelles il se réserva l'hommage et la souveraineté.
La baronnie de Chalencon se trouvait alors, à titre de gage, entre les mains du duc de Savoie. Le Dauphin, pour tenir lieu au sire de Saint Vallier de la possession de cette terre, lui céda cinq mille florins d'or à prendre sur plusieurs terres du comté de Valentinois, entre autres sur Privas et Tournon..
Le dauphin Louis, depuis roi de France sous le nom de Louis XI, reprit la baronnie de Chalencon au duc de Savoie (Chambre des comptes de Grenoble, caisse du Valentinois. Nonus liber copiar., Vienn. et terroe Turris) et la remit aux Saint Vallier, sous la réserve de l'hommage et de la souveraineté qui lui appartenaient.
Le dauphin Louis créa la sénéchaussée de Valentinois pour tout le comté, par lettres patentes à la date de 1447. La cour de la sénéchaussée fut divisée en trois sièges : l'un fut établi à Crest, l'autre à Montélimar, et le troisième à Chalencon du Vivarais, avec les juridictions sur les terres nouvellement remises au Dauphin par le duc de Savoie. L'appel de ces trois sièges fut attribué au conseil delphinal, qui fut érigé en parlement peu de temps après.
La baronnie de Chalencon la Tourette arriva par succession à la dernière descendante des Poitiers Saint Vallier, la fameuse Diane de Valentinois. En 1555, noble Claude du Cheylard, seigneur de Roche Bonne, rendit hommage de la coseigneurie du Cheylard à Diane de Poitiers, baronne de Chalencon. Nous ne saurions exprimer combien ce séjour sauvage de la Tourette nous parut s'animer par le souvenir de cette brillante protectrice des arts et des lettres sous François ler et ses deux successeurs.
Nous avions vu, quelques temps auparavant, l'emplacement de son château d'Etoile en Dauphiné, dont il reste à peine quelques vestiges, malgré le soin que son propriétaire actuel (M. Parisot de la Boisse) met à les conserver. Elle préférait, dit-on, cette magnifique résidence à tous les manoirs qu'elle possédait en Vivarais. Cependant, les mâchicoulis de la Tourette sont encore debout, et les murs du palais d'Etoile sont rasés presqu'au niveau du sol.
Peu de temps après la mort de Diane de Poitiers, qui ne laissa pas d'héritiers directs, sa baronnie du Vivarais passa dans la maison des Ginestons, à laquelle s'unit, vers le commencement du règne de Louis XIII, la famille de Rivoire de la Tourette. Les la Tourette, placés au centre de la révolte des religionnaires, évitèrent de prendre, comme les Lestranges, trop chaudement parti contre eux; mais ils furent toujours fidèles à la cause royaliste et catholique. Leur modération leur valut la conservation d'une influence que beaucoup d'autres seigneurs avaient perdue à cette époque : ils en usèrent dans l'intérêt de la paix et du bon ordre.
Ainsi, en 1685, des symptômes d'agitation se manifestèrent dans le Vivarais, les Cévennes et le Dauphiné.
(Source : http://www.nemausensis.com).
Le château de la Tourette près de Vernoux a appartenu successivement à plusieurs familles nobles qui ont été plus connus sous le nom de cette terre que sous le vrai nom de leur famille.
En 1414, Guillaume de la Tourette (de Terreta) damoiseau était présent à un hommage que Durznd Fabri rendit au seigneur de Joyeuse et à un autre que rendit Mandon Fabri audit seigneur.
Je ne sais si la Tourette était son vrai nom. On sait que dans ces temps là on prenait plus communément le nom de la terre que celui de sa famille.
En 1502, le vrai nom des seigneurs de la Tourette était Chambaud et nous avons vu sous ce nom que noble Guinot de Chambaud était seigneur de la Tourette et de Gluyras. Il avait deux fils, l'aîné nommé Gabriel et le cadet Louis de Chambaud. Il est à présumer qu'un des deux, vraisemblablement l'aîné succéda aux biens de la Tourette et que c'est lui dont je trouve le nom signé de sa main la Tourette en 1529 dans une quittance d'arrière ban qu'il donna avec un autre élu par les nobles du Vivarais.
La terre de la Tourette passa des Chambaud aux Presles, seigneurs de Vaussèche, vraisemblablement par une succession collatérale. Guinot de Chambaud de la Tourette en 1602 avait une sœur nommée Marguerite titré dame de Presles ; il est à présumer qu'elle avait épousé un des Presles. Il parait aussi que ce Gabriel de Chambaud de la Tourette avait d'autres frères et sœurs nommés, Louis, Imbert, Jean et Guillemette qui moururent tous sans postérité, ainsi que Gabriel, l'aîné, et que les biens à Louis de Presles dit de Vaussèche, fils de Marguerite de Chambaud, dame de Presles, sœur de Guinot.
Je forme cette induction sur les droits que Jeanne de Vaussèche disait avoir sur la terre de saint Vincent de Barrès en vertu de la substitution à laquelle elle était appelée ainsi que ses enfants par les prédécesseurs seigneurs de la Tourette spécialement au mariage et les hommages de noble Gabriel de la Tourette et le testament de Louis, Imbert, jean et Guillemette de la Tourette. Ces expressions nous marquent donc la succession des seigneurs de la Tourette par induction (Tiré manuscrit Du Solier).
La seigneurie de la Tourette unie a celle de Chalencon, fut donnée par Charles VII aux Poitiers de Saint Vallier, en 1450.
Au commencement du XVIème siècle, un la Tourette était commandeur de l'Ordre de Rhodes.
Claude Guichard, dans son livre sur les diverses manières d'ensevelir les morts, rapporte que ce commandeur de la Tourette fut chargé en 1522, de la défense du fort Saint Pierre près d'Halicarnasse, qui commandait le détroit entre le continent et l'ile de Cos, appartenant à l'Ordre.
Ce fort avait été construit en 1404, avec les marbres du tombeau de Mausolée. Pour le réparer, les chevaliers, sous les ordres de la Tourette, employèrent encore des matériaux provenant de ce monument et se servirent des marbres pour faire de la chaussée.
Après la mort de Diane de Poitiers, en 1566, la baronnie de la Tourette passa à la famille de Ginestoux. Vers la fin du XVIème siècle, Louis de Preilles était baron de la Tourette.
Au commencement du règne de Louis XIII, la Maison de la Rivoire acquit cette baronnie par mariage.
En 1670, un la Tourette, neveu de Chambonas gouverneur de Saint Agrève pris part avec son oncle à la révolte de Jacques Roure, il fut assassiné dans ce mouvement.
Aujourd'hui, les la Rivoire de la Tourette habitent à Tournon ; un abbé de la Tourette, de nasillarde mémoire, après une jeunesse galante, après avoir émigré, fut évêque de Valence, sous la restauration et sous Louis Philippe.
Son neveu, le marquis de la Tourette a été député vers 1847.
(Source : https://sites.google.com/site/racontemoiardeche/chateaux/chateau-de-la-tourette).
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